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Critique de Sachenka


Le Grand Elysium Hotel. Je n'aime pas ce titre, pareillement pour les libertés que prennent parfois les traducteurs. Certes, le roman commence et se termine à cet endroit, mais l'essentiel de l'intrigue ne s'y déroule pas. Je préfère de loin le titre original : Famous Last Words. On pourrait traduire cela par « Derniers mots célèbres ». Peut-être un peu trop littéral ? Hugh Seldwyn Mauberly. le roman s'ouvre avec l'arrivée de ce personnage singulier au Grand Elysium Hotel, niché dans les Alpes autrichiennes. Cet auteur obscur fuit l'avancée des troupes soviétiques et américaines et cet hotel inoccupé, où il a jadis séjourné, lui semble le refuge idéal. Malheureusement, ce sympathisant nazi sait que la mort rôde et il décide de se dévoiler son histoire. Ou, du moins, de livrer ce qu'il croit être sa vérité. Il grave sur les murs des quatres chambres de sa suite son parcours. Une sorte de testament.

L'intrigue principale commence par sa rencontre avec Wallis Spencer à Shanghaï, au milieu des années 30. Il roule sa bosse en donnant des cours d'anglais aux Russes blancs, qui fuient le communisme. Son amie séduit les hommes riches. Chacun ses atouts… Puis ils se séparent. Mauberly trouve le chemin de l'Europe, trouve sa place dans les cercles intellectuels qui font l'apologie du fascisme. Et ils sont de plus en plus nombreux. Parmi ceux-là, on retrouve Ezra Pound, qui, avec son antiaméricanisme virulant, apporte son soutien à Hitler. Avec lui, Charles Lindbergh et d'autres C'est une incursion dans un milieu très précis de l'entre-deux-guerres.

Petite anecdote : Mauberly est le nom d'un personnage d'un poème d'Ezra Pound ! Beau clin d'oeil de l'auteur Timothy Findley.

Toujours sur le Vieux Continent, Mauberly croise à nouveau le chemin de Wallis, qui porte maintenant le patronyme Simpson, suite à son mariage avec un riche Américain. Mais elle est accrochée au bras d'Édouard VIII d'Angleterre. Ce couple célèbre voyage dans les grandes villes européennes, trainant à sa suite le pauvre écrivain, devenu un indispensable ami. le roman rejoint l'histoire. L'amour l'emporte, le roi doit abdiquer. Devenus duc et duchesse de Windsor, les nouveaux mariés se retirent en Espagne, trainant toujours Mauberly. Éventuellement, les complots de Rudolf Hesse et Joachim von Ribbentrop se resserreront autour d'eux. Findley joue avec la théorie que les fascistes auraient préparé un complot et voulait se servir du couple royal (reconnu pour ses sympathies nazies) pour prendre le contrôle de l'Angleterre, peut-être même diriger un empire pan-germanique.

Bref, Findley ne se contente plus de se servir de l'histoire, il la revisite, un peu à sa manière. Et tous sont écorchés. Les soviétiques qui pourchassent les Russes blancs jusqu'en Chine, les fascistes évidemment, autant les nazis que les partisans espagnols de Franco et les Italiens de Mussolini. Et que dire de ces Américains, qui ont vu les horreurs du camp de concentration de Dachau et qui, dans leur vision très manichésite du monde, se montrent bornés et rancuniers, à l'esprit étroit. Toutefois, Findley ne juge pas. Il aurait été tellement facile de critiquer Mauberly et son entourage, un peu à la manière du colonel Freyberg. Plutôt, il replace l'action dans son contexte. Et si la montée du fascisme était inévitable ? Et si elle avait pour cause l'intransigeance des Alliés ? Surtout, si elle apportait du bien aux peuples accablés par la crise économique. Soyons clair, l'auteur ne fait pas, via Mauberly, l'apologie du nazisme. Il essaie de démontrer comment et pourquoi des gens ont pu s'y tourner, souvent même sans s'en rendre compte.

« Famous last words » m'a bien plu. J'ai bien remarquée quelques longueurs, entre autres lors des pérégrinations de Mauberly et d'Isabelle en Espagne et en Italie. Jusque là, l'écrivain avait bien manifesté ses sympathies nazies mais je ne voyais pas comment elles allaient se traduire en geste concret qui allait lui valoir la haine autant des fascistes que des Américains. Surtout que l'histoire s'allongeait à un tel point que je me demandais si le duc et la duchesse de Windsor devenaient les personnages principaux de ce roman. Puis, tout s'est bousculé vers la fin. Toute l'oeuvre a pris son sens. C'est un roman qu'il faut lire à tête reposée. Quelququ'un qui le lit d'une traite, sans prêter attention aux détails, sans se laisser imprégner des personnages et de l'atmosphère (de l'époque), s'ennuira forcément. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est roman intellectuel mais il est certain qu'on ne le lit pas pour l'action.
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