L'existence actuelle d'un consensus idéologique, d'un accord portant sur les affirmations abstraites, générales, de la foi "démocratique" ne doit pas être niée. La question est cependant de savoir dans quelle mesure la "satisfaction symbolique" que ce consensus semble refléter l'emporte sur la frustration profonde que traduit très précisément l'apathie politique si répandue, naissant d'un sentiment d'impuissance, d'incapacité à contrecarrer les groupes d'intérêts dont les voix l'emportent dans les décisions gouvernementales. "Le coût du consensus est payé par ceux qui en sont exclus."
Avec le système de gouvernement que j'ai brièvement décrit, Athènes réussit pendant près de deux cents ans à être l’État le plus prospère, le plus puissant, le plus stable, le plus paisible intérieurement, et de loin le plus riche de tout le monde grec au point de vue culturel. Le système fonctionnait.
Rien de plus caractéristique, en effet, que la façon dont la tradition glisse sur ce que nous considérons depuis le XIXème siècle comme l'épisode fondateur de la démocratie athénienne, la réforme de Clisthène en 508 av. J.-C.
(...) Un certain type d'histoire commence à jouer un rôle moderne de dissimulation idéologique. (Préface de P. Vidal-Naquet)
Une guerre, est-il besoin de le dire, fait subir la plus rude épreuve possible à la tension qui existe entre la liberté et la sécurité.
La pratique des dicastéria (jurys) et de l'Ecclésia (assemblée) élevait le niveau intellectuel d'un simple citoyen d'Athènes bien au-dessus de ce qu'on a jamais atteint dans aucune autre agglomération d'hommes, antique ou moderne ... Il est appelé, dans ce type d'engagements, à peser des intérêts qui ne sont pas les siens, à consulter en face des prétentions contradictoires une autre règle que ses penchants particuliers, à mettre incessamment en pratique des principes et des maximes dont la raison d'être est le bien public.
La démocratie athénienne était directe, et non représentative, et cela en un double sens; chaque citoyen était libre d'assister à l'assemblée souveraine, et il n'y avait ni bureaucratie ni fonctionnaires, excepté quelques commis, qui conservaient les comptes rendus indispensables. Le gouvernement était ainsi, au sens le plus strict, un gouvernement "par le peuple".
Le mot iségoria, le droit pour tous de parler à l'assemblée, était quelquefois employé par les écrivains grecs comme un synonyme de "démocratie". Et la décision était prise par un vote à la majorité simple des présents.