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Critique de montmartin


Luc 20 ans, blond à la barbe courte, peine à terminer sa toile sous les sarcasmes de son amie Lucie une petite blonde en bleu de travail, une fille folle ou géniale c'est selon ; la narratrice, elle, elle a 18 ans et ne sait pas encore vraiment ce qu'elle a envie de peindre. Nous allons donc suivre ce trio pendant leurs trois années d'études à l'École des Beaux-Arts de Lille.

Les ateliers son, vidéo et multimédia ont envahi le bâtiment des Beaux-Arts, les ateliers de peinture ont été relégués au sous-sol, dans les caves. Dans l'amphi où se déroulent les cours, on les surnomme les térébenthines à cause de l'odeur de diluant qu'ils traînent derrière eux, on se bouche le nez sur leur passage. Ils ont peu d'argent, alors ils achètent la peinture en gros dans les magasins de bricolage.

Après nous avoir raconté le quotidien d'une mère célibataire, qui n'a plus le temps de rêver, qui vit en vase clos et consacre tout son temps à son fils dans son précédent roman « Tenir jusqu'à l'aube » prix Médicis 2018, Carole Fives nous entraîne dans sa propre jeunesse puisqu'elle a été élève de l'École des Beaux-Arts et a ensuite enseigné les arts plastiques dans la région de Lille. Voilà pourquoi ce roman sonne si juste. Elle nous décrit pendant ces années d'études, les doutes, les remises en question permanentes :
« Mais n'y-a-t-il pas là une question que tout artiste se pose, comment décide-t-on qu'une oeuvre est enfin terminée ? Quand sait-on qu'on a posé l'ultime touche ? »

Savoir écouter la toile, ne jamais la forcer, savoir s'arrêter à temps.
Les professeurs qui découragent leur vocation, la difficulté à percer, à trouver une galerie pour exposer.
« Elle reprend : vous savez un bon peintre est un peintre mort. »

C'est une vie de bohème et de galères, la précarité, l'atelier glacial où les odeurs de white Spirit et de poêle à pétrole se mélangent. Mais aussi une vie de folies, l'originalité, la démesure, les détournements, les happenings, les expos dans des appartements ou des bars, les performances.

Ce roman féministe est aussi une réflexion sur la place des femmes dans l'art, comme si elles étaient incapables de créer une oeuvre majeure :
« 85 % des nus exposés au Louvre sont féminins, mais moins de 5 % des artistes sont des femmes. »
Les cours dispensés par Urius le professeur d'histoire de l'art sont l'occasion d'évoquer des artistes féminines, par exemple, Agnès Martin qui détruisit toutes ses oeuvres pour repartir de zéro.

L'écriture de Carole Fives est vivante, réaliste et j'ai découvert un univers qui m'était totalement inconnu.
La fin du récit est émouvante, c'est dans ces dernières lignes que j'ai retrouvé vraiment la beauté de la plume de Carole Fives :
« Toi, tu deviens doucement un peintre qui ne peint plus. Depuis quelques mois, les mots ont peu à peu remplacé les couleurs. Tu peins avec les idées, les phrases, les silences. »

Un roman qui sans aucun doute fera partie des sélections des prix littéraires cet automne, il le mérite.
Un grand merci aux éditions Gallimard et à Babelio de m'avoir offert l'opportunité de lire ce roman.
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