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Critique de Laurence64


Comme il y a les livres avec papier épais, couverture onctueuse et typographie soignée qui éveillent les sens et multiplient les plaisirs (Vade Retro bouquinus numericus!), il y a les bandes dessinées dessinées. Oui, oui. Des bandes dessinées qui cachent un artiste avec pinceaux et couleurs. Des bandes dessinées qui font chanter les yeux comme des aquarelles égarées dans une pile de moches sérigraphies. Kililana song compte parmi celles-ci.
Grand bourlingueur devant l'éternel, Benjamin Flao ramena un bout de l'ile de Lamu dans ses bagages et une galerie de personnages gravitant autour du garnement Naïm.

Naïm, 11 ans, cavalcade dans les rues de sa bourgade kenyanne afin d'échapper à l'école coranique dans laquelle son frère veut à tout prix le fourrer. Au cours de ses tentatives pour échapper à l'idée fixe détestable, Naïm côtoie, frôle, rencontre moult protagonistes qui composent une Afrique oscillant entre tradition et modernité, écrasée par un nouveau colonialisme rachetant ses maisons, faisant de ses jeunes des domestiques. Il y a du Gary et des racines du ciel ici. Sans les éléphants. Avec des mots en moins et des dessins en plus.

Le très mal léché Günter, capitaine alcoolique, trafiquant de drogue, ferait pâlir son homologue Hadock. Les moules à gaufre, bachi bouzouk et autres sabords par paquet de mille font pâle figure devant "la grosse putain de sa race de grosse tuile de nom de Dieu de Bordel de chiotte"; il s'avère pourtant fort sympathique, le mal élevé Günter, blond et bedonnant, dans ses démêlés avec l'Europe riche, ridicule, vulgaire. Car la vulgarité n'est pas toujours où l'on croit. Les rifflars qui viennent poser leurs grosses villas comme des étrons sur toutes les plages du monde, ça le débecte à Günter. On lui pardonne bien volontiers quelques écarts langagiers.

Le Nacuda, vieillard impotent, que Naïm approvisionne en qat raconte une époque révolue et mâchonne son amphétamine écologique. On poserait bien nos fesses à ses côté juste pour l'écouter. Pas comme Naïm qui continue de courir, toujours poursuivi par son musulman de frangin increvable et entêté, parmi les touristes naïfs que l'on embrouille et les djinns cachés. Elle reste magique, cette Afrique, flanquée de ses prostituées et de ses promoteurs véreux (bouh le vilain pléonasme) car elle abrite aussi un vieux shaman, voleur de bateau à ses heures aux fins de protéger un territoire sacré.

La suite, c'est quand Benjamin Flao le voudra. En attendant, les esprits chantent. Et l'on peut écouter Sélim, ami de Naïm, "muet comme un pot et bavard à coup de bruits et de signes".
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