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Critique de CDemassieux


Exit les murs étouffants de Madame Bovary et l'ennuyeux Charles, où la monotonie provinciale précipitait Emma dans l'excès et la mort.
Flaubert quitte la France et son temps, pour lequel il n'est pas tendre : direction Carthage et ses mercenaires d'abord indociles et ensuite franchement révoltés. salammbô est une fuite, tant littéraire que physique puisque l'auteur effectuera même un voyage en Tunisie pour les besoins de son récit.
Ici, plus de phrases tirées au cordeau, où tout tombait juste, ni trop, ni pas assez. Avec salammbô, Flaubert déverse un torrent stylistique qui répond aux scènes homériques qu'il décrit. A sa retenue classique, il substitue une débauche baroque, un peu comme si Mansart s'était pris pour le Bernin !
En est-il satisfait ? On peut en douter en lisant ce qu'il écrit à Jules Duplan en 1862 : « J'ai la tête pleine de ratures, je suis harassé, excédé, "hahhuri" par salammbô ; le dégoût de la publication s'ajoute aux nausées de l'oeuvre ; bref, le nom seul de mon roman m'emm... jusqu'au fond de l'âme. » Humeur changeante, il est vrai, puisque quelques mois plus tôt, il écrivait au même Duplan, avec une certaine délectation : « J'ai vingt mille hommes qui viennent de crever et de se manger réciproquement. J'ai là, je crois, des détails coquets et j'espère soulever de dégoût le coeur des honnêtes gens. »
Que faire alors de cet imposant roman historique qui prend pour cadre la révolte des mercenaires à la solde de Carthage lors de la première guerre punique ? Si l'on s'en tient au Flaubert d'Un coeur simple, avec une dévotion exclusive, inutile d'y mettre la main. Si on lui reconnaît le droit à la différence, salammbô devient un récit entraînant, dont les descriptions valent tous les péplums du monde, avec l'horreur et le sublime qui s'y succèdent. Entre Mâtho, chef des mercenaires, Hamilcar, chef des Carthaginois, et la belle et évanescente salammbô, ce roman est une tragédie à grand spectacle, aux accents romanesques hugoliens – il paraît en 1862, la même année que Les Misérables.
salammbô est peut-être le plus visuel des romans de Flaubert, symboliste avant l'heure. En 1858, en pleine rédaction, il écrit à mademoiselle Leroyer de Chantepie : « le livre que j'écris maintenant sera tellement loin des moeurs modernes qu'aucune ressemblance entre mes héros et les lecteurs n'étant possible, il intéressera fort peu. On n'y verra aucune observation, rien de ce qu'on aime généralement. Ce sera de l'Art, de l'Art pur et pas autre chose. »
(Une adaptation en bande dessinée a été réalisée par Philippe Druillet.)
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