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Critique de philonnet


L'étrange rêve d'une femme inachevée
Roman
LIBAR M. FOFANA
Il y a des romans dont l'après-lecture vous laisse transformé ; si bien que vous avez envie de le relire, par crainte de ne pas en avoir retiré à la première lecture tout ce qu'il contenait d'original. ; et vous pourrez le relire encore et encore, c'est peut-être même le signe d'un chef d'oeuvre authentique. C'est ainsi que j'ai ressenti le roman de Libar M. Fofana.
On peut le lire à la manière d'un conte africain, avec le plaisir qu'on trouve à un imaginaire dont on sait bien qu'il n'est pas vrai, mais dans lequel on accepte bien volontiers de s'embarquer, tellement on aimerait que ce soit vrai.
On est au moins certain d'une chose : il ne s'agit pas d'un plat reportage sur la condition des frères ou soeurs siamois(es) dont on pourrait retirer de croustillantes anecdotes. On est dans un imaginaire fabuleux où l'on rencontre des personnages authentiques qui nous parlent de nous. le mensonge est délicieux, le seul vrai mensonge, celui de l'apologue, celui dont parle le Rousseau des Rêveries lorsqu'il dit « Les fictions qui ont un objet moral s'appellent apologues ou fables, & comme leur objet n'est ou ne doit être que d'envelopper des vérités utiles sous des formes sensibles & agréables, en pareil cas on ne s'attache guères à cacher le mensonge de fait qui n'est que l'habit de la vérité ; & celui qui ne débite une fable que pour une fable, ne ment en aucune façon. »
Chacun peut y prendre son sens : Les deux soeurs sont-elles comme le blanc et le noir, ou le yin et le yang, deux principes antagonistes de notre être ? Expriment-elles la dichotomie de l'être humain, partagé entre le bien et le mal, l'amour et la connaissance, les rêves de tendresse et ceux de pouvoir ? Rien de tout cela, ou plutôt, tout cela mais qui ne résume pas l'antagonisme entre Hawa et Rama, dont l'une serait la bonne, et l'autre la mauvaise. La leçon est moins simpliste, et nous pouvons identifier dans notre être les mêmes tendances antagonistes qui font la difficulté de notre condition d'être humains.
Mais le roman n'est pas une simple confrontation de moi à moi-même, ni du rêve opposé à la réalité, ou encore de l'impossibilité de concilier les aspirations antagonistes de notre moi. C'est aussi une confrontation de la différence opposée à la normalité. La confrontation entre l'amour sans limite de la mère adoptive des deux soeurs, et la lâcheté d'un père (au sens propre, au sens où il les abandonne) , ou encore la méchanceté de ceux qui ont deux bras et deux jambes, un corps et un sexe bien à eux, contre ceux que la nature (ou Allah, l'auteur ne tranche pas !) Entre le noble appétit de vivre face à la bêtise administrative. (sur ce plan, voilà qui introduit du sourire dans ce sujet sérieux !)
Enfin, que dire des grandes figures de sagesses croisées tout au long du livre : Saran la femme stérile qui reçoit comme un don de Dieu ces enfants inachevés, le docteur Francis, qui devra prendre, au péril de sa vie, une décision conforme à ses aspirations intérieures, plutôt que de respecter la loi formelle. Un personnage Sartrien, ou de François Jacob, qui laisse parler sa « statue intérieure ». Jusqu'à l'amant, des deux soeurs, qui saura sortir de cette contradiction… mais je ne vous dévoilerai pas la fin.
Tout ceci peut donner l'impression d'un imbroglio qui ne trouvera pas sa propre issue. Comme tous les contes de fée il y en a une : engagez vos paris, heureuse ?
Michel le Guen
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