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Critique de KrisPy


Marcello Tricotin, fils de son père Carolus, lui-même fils dudit Charlemagne Tricotin, celui-là même qui zozotait et se comportait comme si le monde lui appartenait, et bien Marcello Tricotin est bien le digne descendant de son aïeux complètement incontrôlable !
Remontons un peu en arrière dans la généalogie de cette ébouriffante famille…
Dans tous ses livres, c'est une constante chez Michel Folco, il s'ingénie à décrire les aventures rocambolesques (et ce mot n'est pas galvaudé ici, croyez-moi !) d'une drôle de famille : les Tricotin de Racleterre. (Accessoirement, il dédie un tome à la famille de bourrèles, les Pibrac, car ils seront amenés à frayer avec ces remuants Tricotin).
On a donc ainsi pu assister à la naissance des quintuplés Tricotin, quatre garçons et une fille, à leur enfance, leur séparation, puis les aventures de Charlemagne le zozotant ont débuté. Il avait comme don de pouvoir communiquer avec les animaux, de par son empathie avec eux. Il avait aussi une incroyable imagination pour faire des conneries, et pour s'escamper avant que ça tourne trop vinaigre pour lui... Toutes ses péripéties (contées dans « Un loup est un loup » puis dans « En avant comme avant ») l'ont amené à finir chef d'armée en Italie, où il sera assassiné par des rebelles siciliens le jour de son mariage. (Ici débute "Même le mal se fait bien")
Heureusement pour lui, Charlemagne ne respectait pas Dieu, et avait déjà consommé les fruits du péché et conçu sa descendance : Carolus Tricotin.
Ce Carolus, qui ne connût son père que sous la forme d'une impressionnante momie - conservée intacte grâce au génie d'un embaumeur italien qui apprit ses secrets chez les égyptiens - ce Carolus donc, devint un médecin éclairé bien que fantasque, un érudit voyageur, un bon-vivant respecté et aimé de ses congénères, qui honorait loyalement la mémoire de son père Charlemagne en étant un libre-penseur haut en couleurs. Il était même le médecin attitré des pensionnaires d'une maison close…
Il était aussi le père d'un autre enfant, conçu dans sa jeunesse estudiantine, qu'il n'avait pas daigné reconnaitre, et qu'il avait même renié… Aloïs.
Plus tard, Carolus s'était enfin marié et avait eu un fils légitime, Marcello.
Alors à sa mort, Carolus est bien embêté… son rejeton officiel, ce mou du bulbe de Marcello, devenu maitre d'école par fainéantise, qui n'a comme passion que l'étude des Arachnés, ce satané Marcello qui ne porte même pas la culotte chez lui, et qui se fait bouffer par son beau-père, ce chacal nain d'Attilio, et bien c'est ce Marcello là qui va hériter de la fortune colossale qu'ont amassée les Tricotins depuis presque 2 siècle. Et ça, c'est un sacré coup dur, pire que la mort pour Carolus. Comment faire pour que cet empoté devienne un homme, un vrai, capable de diriger une maison close et de gérer une fortune, alors qu'il est à peine capable de gérer sa propre classe ?
Qu'à cela ne tienne, Carolus enverra Marcello à la recherche de son demi-frère surprise, et c'est à cette seule condition que l'héritage colossale lui reviendra. Il aura trois ans et un jour pour retrouver ce frère, lui annoncer la mort de leur père, et lui faire des excuses en son nom pour l'avoir rejeter. Si au terme de ces trois ans Marcello n'a pas honoré les dernières volontés de son père, il sera déshérité.
Pour Marcello c'est un crève-coeur, une lourde corvée, que ce voyage, lui qui n'aime que son confort et son grenier à araignées qu'il peut observer pendant des heures. Mais un héritage de cette importance ça ne se refuse pas, surtout quand on l'aime autant, son confort.
Alors il part le Marcello, tardivement, en trainant la patte, mais il part. Et il lui arrive tout un tas d'aventures et de rencontres, heureuses ou pas, comme la fois où Marcello se prend la foudre, et qu'il en perd tous ses poils et cheveux. Il en réchappe donc et devient un miraculé « célèbre ». Il frôle la mort plusieurs fois. Il s'endurcit. Il rencontre aussi Freud, ainsi que le jeune Ady Hiedler…
Mais surtout, il se trouve, lui, Marcello. Tous ces gènes d'aventurier venus de son grand-père, ce don pour les emmerdes et la vengeance, les voilà ressurgis chez Marcello, qui d'ailleurs ressemble de plus en plus physiquement à son père et à son aïeul, suite à ses multiples accidents physiques – lesquels sont à chaque fois de savoureuses trouvailles de Folco, on sent que l'homme aime le « slapstick », le burlesque à la Buster Keaton-.
Ainsi, tout au long de ce voyage farfelue, à force de se soigner pour de multiples maux, et d'être pris en main par un vrai médecin avant-gardiste, le Dr. Weisman, pour se remettre de ses accidents, Marcello se découvre des talents cachés, comme celui de n'être pas si mauvais médecin lui-même, et de fait, il deviendra comme son père, « el stimate padrone » apprécié par les pensionnaires du « Tutti-Frutti », la maison close si ouverte aux moeurs dissolues de la bourgeoisie turinoise, sa deuxième maison pour tout dire…
Il honorera la mémoire de ses ancêtres en se faisant enfermer également, mais pour lui, ça sera l'asile, pas la prison, quoique, il en réchappe de peu.
Mais là où Marcello aurait réussi à étonner son père, et même son grand-père si anarchiste, c'est dans sa vengeance envers son village natal, San Coucoumelo, et ses habitants, qui l'ont toujours pris pour un mou sans personnalité et qui se sont toujours gaussés de lui, mais qui surtout, ont fait s'envoler à jamais les grues de la « Table aux grues » - un petit bout de campagne où les grues s'arrêtaient pendant leur migration, un terrain très convoité qui appartient à la famille Tricotin depuis Charlemagne – et ces grues, Marcello s'y était attaché, les observant, jours après jours, et écrivant sur le sujet son premier traité naturaliste – encore une manie venue de ses aïeux, l'écriture, la description...- . Alors quand les villageois se sont ligués et ont massacré les grues sous ses yeux, Marcello ne l'a pas supporté.
Sa vengeance fut terrible… réellement terrible et disproportionnée. C'est un Tricotin, il ne fait pas les choses à moitié. Et il les fait en grand. Pour vous mettre l'eau à la bouche, voici juste une petite partie de sa vengeance : étant maitre d'école, et faisant l'école à domicile à ses propres enfants, il va continuer à faire la classe aux enfants du village - rejetons des massacreurs de grues -, mais ne va leur apprendre que des âneries, des non-sens et autres billevesée. Par exemples que : 2 +2 = 22 ; que le 8 se place entre le 5 et le 6 ; autre exemple : « sujet de rédaction : que feriez-vous à votre pire ennemie si vous aviez l'impunité ? »…
Michel Folco se livre cette fois encore à l'exercice périlleux qui nous plait tant, celui de nous embarquer dans des pérégrinations hasardeuses où rien n'a été laissé au hasard justement. C'est une danse bien chorégraphiée que tous ces destins qui se croisent. Et l'on prend vite le pas, on suit avec étonnement et consternation parfois, l'étrange descendant de Charlemagne Tricotin.
Mais attention, il y a de la violence, il y a du mauvais, il y a de la vengeance et de la bêtise, dans ce Tricotin-là, le titre le rappelle : même le mal se fait bien. Parce que Marcello est malgré tout un vrai Tricotin, et les Tricotin font les choses bien, jusqu'au bout, méthodiquement, même la pire connerie…
Encore une fois, je n'ai su résister à l'appel du Tricotin, et j'ai plongé, je me suis laissée embarquer dans cette galère avec le Marcello, et j'ai bien rigolé, j'ai bien ricané aussi, et j'ai presque été outrée… oui, outrée par la méchanceté machiavélique de ce Tricotin là….
Et si vous ne me croyez pas, à vous de vous forger votre propre opinion en lisant les faits par vous-mêmes. Mesdames, Messieurs, faites entrer l'accusé : Marcello Tricotin, accusé de même bien faire le mal...
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