Même Léon était d’avis que sa femme était si mauvaise langue qu’elle s’empoisonnerait un jour avec sa propre salive.
Tu remarqueras vite que les gens ont une propension réelle à respecter les riches. Pour la plupart, l’argent est l’unique ressort de toute activité.
— Je comprends mal votre refus. Vous êtes pourtant notre tourmenteur auprès du tribunal.
— Ne vous en déplaise, Monsieur le Prévôt, tourmenter n’est point occire ! Encarcaner, fustiger, flétrir, mutiler comme maintenant, ou ébouillanter, ou poser la question ordinaire ou extraordinaire n’est point rouer vif, loin s’en faut !
Le front bas du baron Raoul se plissa sous sa perruque poudrée. Ses yeux sombres fortement encavés dans leurs orbites brillèrent méchamment.
Pour lui il ne faisait aucun doute que la diffamation était à l’esprit ce que l’empoisonnement était au corps. Pis même puisqu’il était bien plus commode de colporter un propos trucidant l’honneur d’un honnête homme que de lui faire ingurgiter une potion assassine. Aussi, tenant compte du fait qu’il n’existait point d’antidote contre la calomnie alors qu’il en savait plusieurs contre les poisons, le baron dit :
— Assurez-vous de ces médisants et percez-leur la langue !
Puis on en revint au problème initial : où trouver un bourreau rapidement ?
Comme tous, le juge avait en mémoire une histoire de rage. Il tenait la sienne de son père qui la garantissait authentique. Un demi-siècle plus tôt, un grand-vieux-loup était entré dans les faubourgs de Rodez et, avant d'être abattu, avait mordu de nombreux chiens, de nombreux bestiaux, mais aussi de nombreuses personnes, une soixantaine environ. Sur ordre du bourg et de l'évêché, ces mordus sans exception avaient été enfermés dans l'une des tours désaffectées de la muraille nord, où ils étaient morts dans d'infernales conditions, s'entre-déchiquetant comme des cannibales empiffreurs tout en clabaudant telle une meute de chiens courant à l'hallali.
— Hum..., fit sobrement Malzac. Sous quelle forme cette « tradition » vous a-t-elle été inculquée ?
— Comme à l’école. Avec des leçons à apprendre par cœur, des devoirs à rendre, des exercices pratiques.
— Pratiques, mais encore ?
— C’est que... je ne sais plus, il y a si longtemps. Voyons... Bon, par exemple, le jour de mes sept ans, j’ai dû décapiter ma première chèvre. Je n’y suis pas arrivé, ç’a été une vraie boucherie. J’ai eu 0 sur 20.
Comme on ignorait encore que le nez n’était qu’un simple appendice chargé de transmettre l’odeur à une tache olfactive située à l’intérieur des fosses nasales (intactes chez Justinien), on le considérait comme le siège naturel de l’odorat. (Le cœur était celui des sentiments, l’estomac celui de la colère. Certains plaçaient celui du raisonnement dans leurs pieds sous prétexte qu’ils sont les seules parties du corps à reposer sur du stable.)
(En s'adressant à un jeune élève qui a obtenu une deuxième place à un concours)
Tout en le félicitant, il lui rappela que seule la place de premier était la bonne.
- Le deuxième, c'est le premier des derniers.
[ Dieu et nous seuls pouvons ]
- Le premier authentique chef-d'oeuvre de l'homme n'est-il pas d'avoir su mettre à son service le chien, le cheval et le faucon? Car vous me l'accorderez, monsieur le vicomte, mais sans le nez du premier, les jambes du deuxième et les ailes du dernier, nous n'aurions jamais pu nous assurer la domination des animaux de la Création.
Mourir n'est rien, [...] c'est être oublié qui est terrible.