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Critique de oiseaulire
C'est toujours bien elle, Brigitte Fontaine, comme nous l'aimons : déjantée et lucide.
Mais la vieillesse et la maladie l'ont attrapée et la Tortue Fantaisie, alias Zonzon, s'ennuie dans son corps semi-grabataire, et souffre, cernée de toute part par l'Ange Exterminateur. Or "l'Ange exterminateur" manque de chic, c'est le moins qu'on puisse dire. Et "C'est la dissection de la grande Zonzon."
Auto-dérision du désespoir : "La vieille se prend pour une feuille morte. Elle est balayée par le vent bas qui prend sa longue robe orange pour une voile, alors son mince corps tortueux dans son film se balance en somnambule. On se demande comment ça se fait qu'elle ne tombe jamais. Son regard-phare ombragé de lunettes noires n'aide guère. C'est la guerre des lampes".
Brigitte Fontaine dit très bien comment la vieillesse, mieux encore que la mort, vous dérobe à vous-même. Envie encore d'emburlesquer le monde quand on tient à peine debout, que la colonne vertébrale vous vrille, qu'on boirait bien un café pour oublier un instant la chienne d'existence mais le café, ça vous va droit à l'estomac et l'estomac, c'est plus ça.... Ah fumer ! FUMER : ça aussi interdit, allez, vite, un taf en cachette... Douleurs en amont, en aval, à l'ubac, en adret. Alors on écoute de la musique, on allume des bougies autour de soi, (préfiguration d'une veillée funèbre ?) et le temps n'en finit pas de passer, c'est pourtant son job, non ?
Le job de la Tortue Fantaisie était de poétiser. Elle peut encore. Mais s'inquiète. Poliment. Jamais ne geint.
"Ah être un enfant et courir. Ah être un enfant... Être vieille et prodige. Vieille et enfant frais. Éclats, éclats de rire, pivoine éclatante, voici le destin. Stop. (...) Un enfant toujours, pour toujours, depuis toujours. Éternité"
"La vie est une mauvaise plaisanterie"
Et les éditeurs (Le Tripode) de conclure dans leur achevé d'imprimer : "La vie continue, la poésie s'en fout".
J'ai mis quatre étoiles car j'aime Brigitte Fontaine et que son ode à la décrépitude a pour moi quelque chose de consolant. Car c'est notre avenir qu'elle dépeint (pour certains d'entre nous notre présent) et c'est la vieillesse qui est monstrueuse, pas celui qui en est victime. Et ne nous y trompons pas, seuls les plus veinards la rencontrent un jour. Car, comme disait La Bruyère, "on espère de vieillir et on craint la vieillesse".
C'est une chose humaine qu'il faut apprivoiser, ou sembler apprivoiser. Ça aide, même si le coeur n'y est pas toujours. Poétiser et transformer la vie en spectacle.
Car nous aimons...
"Ceux qui, avec leurs chaînes
Pour pas que ça nous gêne
Font un bruit de grelot"
(Anne Sylvestre, "Les gens qui doutent")
Mais la vieillesse et la maladie l'ont attrapée et la Tortue Fantaisie, alias Zonzon, s'ennuie dans son corps semi-grabataire, et souffre, cernée de toute part par l'Ange Exterminateur. Or "l'Ange exterminateur" manque de chic, c'est le moins qu'on puisse dire. Et "C'est la dissection de la grande Zonzon."
Auto-dérision du désespoir : "La vieille se prend pour une feuille morte. Elle est balayée par le vent bas qui prend sa longue robe orange pour une voile, alors son mince corps tortueux dans son film se balance en somnambule. On se demande comment ça se fait qu'elle ne tombe jamais. Son regard-phare ombragé de lunettes noires n'aide guère. C'est la guerre des lampes".
Brigitte Fontaine dit très bien comment la vieillesse, mieux encore que la mort, vous dérobe à vous-même. Envie encore d'emburlesquer le monde quand on tient à peine debout, que la colonne vertébrale vous vrille, qu'on boirait bien un café pour oublier un instant la chienne d'existence mais le café, ça vous va droit à l'estomac et l'estomac, c'est plus ça.... Ah fumer ! FUMER : ça aussi interdit, allez, vite, un taf en cachette... Douleurs en amont, en aval, à l'ubac, en adret. Alors on écoute de la musique, on allume des bougies autour de soi, (préfiguration d'une veillée funèbre ?) et le temps n'en finit pas de passer, c'est pourtant son job, non ?
Le job de la Tortue Fantaisie était de poétiser. Elle peut encore. Mais s'inquiète. Poliment. Jamais ne geint.
"Ah être un enfant et courir. Ah être un enfant... Être vieille et prodige. Vieille et enfant frais. Éclats, éclats de rire, pivoine éclatante, voici le destin. Stop. (...) Un enfant toujours, pour toujours, depuis toujours. Éternité"
"La vie est une mauvaise plaisanterie"
Et les éditeurs (Le Tripode) de conclure dans leur achevé d'imprimer : "La vie continue, la poésie s'en fout".
J'ai mis quatre étoiles car j'aime Brigitte Fontaine et que son ode à la décrépitude a pour moi quelque chose de consolant. Car c'est notre avenir qu'elle dépeint (pour certains d'entre nous notre présent) et c'est la vieillesse qui est monstrueuse, pas celui qui en est victime. Et ne nous y trompons pas, seuls les plus veinards la rencontrent un jour. Car, comme disait La Bruyère, "on espère de vieillir et on craint la vieillesse".
C'est une chose humaine qu'il faut apprivoiser, ou sembler apprivoiser. Ça aide, même si le coeur n'y est pas toujours. Poétiser et transformer la vie en spectacle.
Car nous aimons...
"Ceux qui, avec leurs chaînes
Pour pas que ça nous gêne
Font un bruit de grelot"
(Anne Sylvestre, "Les gens qui doutent")
