Anne Sylvestre : Une sorcière comme les autres
Olympia 1986-1998
J'aime les gens qui doutent
Mais voudraient qu'on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu'on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps.
Écrire pour ne pas mourir
Écrire, grimacer, sourire
Écrire et ne pas me dédire
Dire ce que je n'ai su faire
Dire pour ne pas me défaire
Écrire, habiller ma colère
Écrire pour être égoïste
Écrire ce qui me résiste
Écrire et ne pas vivre triste
Et me dissoudre dans les mots
Qu'ils soient ma joie et mon repos
Écrire et pas me foutre à l'eau
Les Gens qui doutent
Anne Sylvestre
J'aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur coeur se balancer
J'aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer
J'aime les gens qui tremblent
Que parfois ils ne semblent
Capables de juger
J'aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté
J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons
J'aime ceux qui paniquent
Ceux qui sont pas logiques
Enfin, pas comme il faut
Ceux qui, avec leurs chaînes
Pour pas que ça nous gêne
Font un bruit de grelot
Ceux qui n'auront pas honte
De n'être au bout du compte
Que des ratés du coeur
Pour n'avoir pas su dire
Délivrez-nous du pire
Et gardez le meilleur
J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons
J'aime les gens qui n'osent
S'approprier les choses
Encore…

Petit monsieur, petit costard
Petite bedaine
Petite sal'té dans le regard
Petite fredaine
Petite poussée dans les coins
Sourire salace
Petites ventouses au bout des mains
Comme des limaces
Petite crasse
Il y peut rien si elles ont des seins
Quoi, il est pas un assassin
Il veut simplement apprécier
Ç’que la nature met sous son nez
Mais c’est pas grave
C’est juste une femme
C’est juste une femme à saloper
Juste une femme à dévaluer
J’pense pas qu’on doive
S’en inquiéter
C’est pas un drame
C’est juste une femme
Petit ami, petit patron
Petite pointure
Petit pouvoir, p’tit chefaillon
Petite ordure
Petit voisin, p’tit professeur
Mains baladeuses
Petit curé, petit docteur
Paroles visqueuses
Entremetteuses
Il y peut rien si ça l’excite
Qu’est-ce qu’elle a cette hypocrite ?
Elle devrait se sentir flattée
Qu’on s’intéresse à sa beauté
Mais c’est pas grave
C’est juste une femme
C’est juste une femme à humilier
Juste une femme à dilapider
J’pense pas qu’on doive
S’en offusquer
C’est pas un drame
C’est juste une femme
Petit mari, petit soupçon
P’tite incartade
Petite plaisant’rie de salon
P’tite rigolade
Fermer les yeux, on n’a rien vu
Petite souffrance
Et trembler qu’une fois de plus
Il recommence
Inconvenance
Quoi si on peut plus plaisanter
On n’a plus qu’à s’la faire couper
Non c’est vrai, il est pas un monstre
Et c’est l’épouse qui prend la honte
Mais c’est pas grave
C’est juste une femme
C’est juste une femme à bafouer
Juste une femme à désespérer
J’pense pas qu’on doive
S’en séparer
C’est pas un drame
C’est juste une femme
Mais dès qu’une femme
Messieurs mesdames
Est traitée comme un paillasson
Et quelle que soit la façon
Quelle que soit la femme
Dites-vous qu’il y a mort d’âme
C’est pas un drame
Juste des femmes...
♪♫ https://www.youtube.com/watch?v=72egvR70EyM
'Juste une femme', Anne Sylvestre (in 'Juste une femme', 2013)
- merci, L. !

C'était une maison douce, une maison de bon aloi
Juste ce qu'il faut de mousse répartie aux bons endroits,
Assez de murs pour connaître une chaleur bien à soi
Et ce qu'il faut de fenêtres pour regarder sans effroi.
Non, non, je n'invente pas,
Mais je raconte tout droit.
Elle ouvrait parfois sa porte à ceux qu'elle choisissait.
La serrure n'est pas forte, maison, tu n'as pas de clé,
Mais avec sa confiance jamais elle ne pensa
Qu'on pût user de violence pour pénétrer sous son toit.
Advint qu'un jour de malchance une bande s'approcha.
On sonne à la porte, on lance des coups de pieds ça et là.
A plusieurs, on s'encourage, on prétend qu'elle ouvrira,
Et commence le saccage, la porte on l'enfoncera.
Sauvagement ils pénètrent, dévastant tout devant eux.
Ils obligent les fenêtres à s'ouvrir devant le feu.
Avec leurs couteaux ils gravent des insultes sur les murs,
Et s'en vont faisant les braves quand tout n'est plus que blessure.
La maison, depuis ce crime, n'a plus d'âme ni de nom,
Mais elle n'est pas victime, c'est de sa faute, dit-on.
Il paraît qu'elle a fait preuve d'un peu de coquetterie
Avec sa toiture neuve et son jardin bien fleuri.
D'ailleurs, une maison sage ne reste pas isolée
Celles qui sont au village se font toujours respecter.
Quand on n'a pas de serrure, il faut avoir un gardien.
C'est chercher les aventures que de fleurir son jardin.
Si vous passez par la route et si vous avez du coeur,
Vous en pleurerez sans doute, c'est l'image du malheur.
Mais rien, pas même vos larmes, ne lui portera secours.
Elle est loin de ses alarmes, elle est fermée pour toujours.
Si j'ai raconté l'histoire de la maison violentée,
C'est pas pour qu'on puisse croire qu'il suffit de s'indigner.
Il faut que cela s'arrête, on doit pouvoir vivre en paix,
Même en ouvrant sa fenêtre, même en n'ayant pas de clé.
Non, non, je n'invente pas. Moi, je dis ce que je dois.
___
- Douce Maison, extrait de l’album « J’ai de bonnes nouvelles » (1978)
https://www.youtube.com/watch?time_continue=178&v=uDwkl8_YyBE

" J'aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur cœur se balancer
J'aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer
J'aime les gens qui tremblent
Que parfois ils nous semblent
Capables de juger
J'aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté
J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons
J'aime ceux qui paniquent
Ceux qui sont pas logiques
Enfin, pas "comme il faut"
Ceux qui, avec leurs chaînes
Pour pas que ça nous gêne
Font un bruit de grelot
Ceux qui n'auront pas honte
De n'être au bout du compte
Que des ratés du cœur
Pour n'avoir pas su dire :
"Délivrez-nous du pire
Et gardez le meilleur"
J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons
J'aime les gens qui n'osent
S'approprier les choses
Encore moins les gens
Ceux qui veulent bien n'être
Qu'une simple fenêtre
Pour les yeux des enfants
Ceux qui sans oriflamme
Et daltoniens de l'âme
Ignorent les couleurs
Ceux qui sont assez poires
Pour que jamais l'histoire
Leur rende les honneurs
J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons
J'aime les gens qui doutent
Mais voudraient qu'on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu'on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps
Qu'on leur dise que l'âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu'on les remercie
Qu'on leur dise, on leur crie :
"Merci d'avoir vécu
Merci pour la tendresse
Et tant pis pour vos fesses
Qui ont fait ce qu'elles ont pu "
Nous avons chacun notre puits où meurt un enfant tendre. Nous l’entendons pleurer la nuit sans jamais bien comprendre.
Quand on est enfant, on ne traverse pas les livres à toute allure comme on le fait plus tard, mais on s'y installe, on les déguste, après les avoir dévorés une première fois. (p.75 LIVRE)
Laissez les enfants grandir
Ne renforcez pas les cages
Ne craignez pas les orages
Ni les torrents à franchir
Laissez les enfants gagner
Le droit d’étendre leurs ailes
Dans la lumière nouvelle
D’une vie à inventer

Comme Higelin
Chanter la vie, chanter les autres
Chanter le triste et puis le gai
Raconter tout ce qui est nôtre
Je peux le faire, et je le fais
Chanter l’espoir ou la déprime
La guerre ou la fraternité
À l’aise avec tout ce qui rime
Je n’ai pas souvent hésité
Je peux chanter même à l’envers
Faire prendre l’été pour l’hiver
[Refrain]
Mais, comme Higelin, comme les copains
Je me demanderai toujours comment faire les chansons d’amour
Y’a un langage à inventer qui dise l’imprudence d’aimer
J’ai beau creuser, j’ai beau chercher, je ne l’ai pas trouvé
Y’a un langage à inventer
Le cœur qui bat, le cœur qui cogne
Et fait mine de s’arrêter
Tous les mensonges sans vergogne
Toutes les belles vérités
Tout ce qu’on dit quand on se trouve
Ce qu’on oublie quand on se perd
Et les tempêtes qu’on éprouve
Les arcs-en-ciel à cœur ouvert
Je m’en approche quelquefois
Les effleures du bout des doigts
[Refrain]
Mais, comme Higelin, comme les copains
Je me demanderai toujours comment faire les chansons d’amour
Y’a un langage à inventer qui dise l’imprudence d’aimer
J’ai beau creuser, j’ai beau chercher, je ne l’ai pas trouvé
Y’a un langage à inventer
Et puis le cœur à marée basse
Et puis le corps transi de froid
Ouvert à tous les vents qui passent
Je l’ai chanté plus d’une fois
Mais quand je me voudrais tendresse
Mais quand je me voudrais passion
Les mots s’échappent et me laissent
Ligotée dans ma déception
Je peux chanter tout ce qu’on veut
Laissez-moi juste y croire un peu
[Refrain]
Mais, comme Higelin, comme les copains
Je me demanderai toujours comment faire les chansons d’amour
Y’a un langage à inventer qui dise l’imprudence d’aimer
J’ai beau creuser, j’ai beau chercher, je ne l’ai pas trouvé
Y’a un langage à inventer
Alors je marche à l’aveuglette
Et dans mon désert, pas à pas
Je désespère et je m’inquiète
Et si on ne m’entendait pas
Et si on pensait que j’ignore
Les coups de cœur et de printemps
Les dix-huit ans qui brûlent encore
Et puis qui brûleront longtemps
J’ai bien toujours comme autrefois
Un cœur qui ne s’arrête pas
[Refrain]
Mais, comme Higelin, comme les copains
Je me demanderai toujours comment faire les chansons d’amour
Y’a un langage à inventer qui dise l’imprudence d’aimer
J’ai beau creuser, j’ai beau chercher, je ne l’ai pas trouvé
Y’a un langage à inventer
J’aurais tant voulu t’écrire
Une chanson d’amour.
Anne Sylvestre a rejoint Higelin, le 1er décembre 2020,
après avoir " inventé un langage " et lui avoir écrit " une
chanson d'amour ".