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Critique de berni_29


« Attention, mesdames et messieurs, dans un instant on va commencer ! le grand illusionniste Oliver Fleck va entrer en scène pour votre plus grand plaisir. Il va vous étonner, vous enchanter, vous sidérer avec notamment son fameux numéro de « La Femme Qui Apparaît ». Approchez un peu, mesdames et messieurs, il y a encore de la place devant, vous serez mieux pour admirer le spectacle... »
Nous sommes à Belfast, en 1906. Edith, joueuse de piano dans les music-halls de Belfast, tombe follement amoureuse d'Oliver, un illusionniste ambitieux qu'elle croise un soir de fête trop arrosée et qu'elle retrouve le lendemain sur scène, où elle doit accompagner son spectacle au piano.
Ils s'éprennent l'un de l'autre, sans doute y avait-il de la magie entre eux...
Pourtant, ce n'est pas sur cette page d'amour que s'ouvre le roman Edith & Oliver, mais bien plus tard en 1922 sur le quai de Dun Laoghaire à Dublin où une femme et sa fille regarde une dernière fois le paysage de l'arrière-pays avant d'embarquer dans un ferry pour l'Angleterre...
L'auteure, Michele Forbes, nous entraîne sur les années qui précèdent, des années de bonheur, d'allégresse, portées comme un songe, où tout semble facile comme un numéro de cartes qu'on déplie dans une main, en glissant simplement les phalanges. Des années d'illusion... Et puis viennent des années moins faciles, des années de galère... Des années de désillusion... Tout ceci se déroule dans un contexte social et politique qui va s'aggraver, peint avec justesse en filigrane.
Le personnage principal est bien ce fameux Oliver, illusionniste de son état, que l'on va suivre durant vingt ans, de 1902 à 1922, qui connaît une enfance perturbée par un drame familial, mais qui va rebondir dans les coulisses des théâtres en tant que commissionnaire tout d'abord. La grâce va le toucher, ou plus précisément, l'art du métier, en observant le grand Bandini dans les coulisses de l'Alhambra Theatre...
Edith et Oliver s'épousent, ont deux jumeaux, un fils Archie et une fille Agna. La vie d'artiste est dure pour faire vivre une famille.
Des Noëls se succèdent où Oliver, en tournée, n'est point présent parmi sa famille.
L'exercice du métier devient difficile. Il semblerait qu'il soit en train de changer. Sur l'immense scène de la vie, chacun joue son rôle comme il peut.
La concurrence est rude entre artistes, des jeunes loups arrivent qui sont ambitieux, inventifs, jouant des coudes et les directeurs des théâtre sont impitoyables, leurs rebuffades font mal.
Des syndicats d'artistes tentent de s'organiser, de lutter, en vain...
Et puis il y a la concurrence du cinéma et des revues de music-halls qui ont désormais un plus vif succès.
Brusquement, le numéro de l'artiste ne prend plus, la mécanique se grippe au sens propre comme au sens figuré.
Oliver est-il tombé en disgrâce auprès des propriétaires de théâtre, des directeurs de compagnie, des producteurs de spectacles ? Même son agent n'y croit plus guère.
Oliver voudrait pouvoir encore donner l'illusion, mais auprès de qui ? Son agent, les directeurs de théâtre, sa famille, ou peut-être tout simplement lui-même ? Cette dérive est poignante et l'auteure l'a décrit avec beaucoup de justesse er d'émotion.
Il y a alors ce foutu passé qui vous rattrape sans cesse... Se réveiller le matin dans sa loge avec encore son costume de scène et une bouteille de whisky vide à ses pieds... Les démons d'Oliver le rattrapent peu à peu...
Les tournées sont de plus en plus harassantes, avec de moins en moins de public.
Edith & Olivier, c'est l'histoire d'un monde qui change, qui vacille, celui du music-hall, celui sur fond social, de la misère oppressante, celui de l'Irlande, du bruit qui gronde, de la révolte qui monte, la menace d'une guerre civile qui approche...
Dans la dérive d'Oliver, j'ai ressenti une totale empathie pour Edith et ses enfants.
Une empathie aussi pour le peuple irlandais.
Voilà, je ressors de ce roman avec beaucoup d'enthousiasme et d'émotion. La magie d'une écriture a pris, m'a séduit totalement, mais elle n'est pas feinte comme une illusion. En soulevant un peu ce rideau, comme celui d'un music-hall, en vous faisant entrer dans les coulisses de la vie d'Edith et d'Oliver, en vous montrant les joies, les ambitions et les démons qui poursuivent Oliver depuis sa jeunesse, le contexte social terrible dans lequel évoluent les personnages du récit, j'espère vous convaincre de venir à ce roman avec la même joie qui m'a troublé.
Plus tard, je referme le livre, avec la rengaine obstinante d'une chanson qui me vient brusquement dans la tête :
« C'est juste une illusion
A peine une sensation
Qui dirige tes pas
Et te montre du doigt
Où tu vas où tu vas
Juste une illusion
Comme une bulle de savon
Qui s'approche de toi
Que tu touches du doigt
Puis qui s'en va
Qui n'est plus là. »
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