AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le bavard (29)

Éprouvant subitement une répugnance insurmontable pour la vie en société avec son cortège d'intrigues, de méprisables agitations et de paroles creuses, toute cette chaleur d'étuve qui émanait d'une promiscuité que les sinistres obligations de la vie m'imposaient, je n'aspirais qu'à m'en dégager pour goûter aux bienfaits de l'air pur et du silence...
Commenter  J’apprécie          320
Mais ce que je regrette de ne pas savoir exprimer, c'est le plaisir sensuel, à la fois très paisible et d'une acuité extrême, que j'éprouvais quand, assis sans bouger sur ce banc, d'où je pouvais jouir d'un paysage composé d'eau, d'édifices, de verdures à perte de vue et de nuages auquel la lumière printanière donnait un éclat magique, le corps chauffé par un soleil doux et protégé du vent encore assez frais en cette saison par un manteau suffisamment épais, je restais à regarder tour à tour les passants qui se croisaient devant moi, l'acier étincelant du pont rigide au-dessus du barrage ou encore, renversant la tête, la voûte vert clair du sapin qui me toisait de toute sa hauteur, toutes choses assez peu remarquables en elles-mêmes, et à prêter l'oreille aux propos décousus des gens qui avaient pris place à côté de moi, aux cris joyeux des enfants, au bruissement précipité de l'eau rebondissante au-dessus du pont métallique; la double action de regarder et d'écouter s'accompagnant depuis longtemps pour moi d'une émotion très spéciale qui pouvait surgir au moment le plus imprévu et m'être causé par quelque chose ou quelqu'un auquel je n'avais aucune raison particulière de m'intéresser. Au milieu du vaste flux des choses, ne rien faire, mais voir et écouter.
Commenter  J’apprécie          200
Et notez que je ne vous demande pas de me lire vraiment, mais de m'entretenir dans cette illusion que je suis lu : vous saisissez la nuance ? – Alors, vous parlez pour mentir ? – Non, monsieur, pour parler, rien de plus, et vous-même faites-vous autre chose du matin au soir et pas seulement à votre chat ? Et un écrivain écrit-il pour une autre raison que celle qu'il a envie d'écrire ? Mais suffit. Que mon lecteur me pardonne si je n'aime pas qu'on me bourdonne aux oreilles quand je parle.
Commenter  J’apprécie          200
Je me regarde souvent dans la glace. Mon plus grand désir a toujours été de me découvrir quelque chose de pathétique dans le regard. Je crois que je n'ai jamais cessé de préférer aux femmes qui, soit par aveuglement amoureux, soit pour me retenir près d'elles, inventaient que j'étais un vraiment bel homme ou que j'avais des traits énergiques, celles qui me disaient presque tout bas, avec une sorte de retenue craintive, que je n'étais pas tout à fait comme les autres. En effet, je me suis longtemps persuadé que ce qu'il devait y avoir en moi de plus attirant, c'était la singularité. C'est dans le sentiment de ma différence que j'ai trouvé mes principaux sujets d'exaltation. Mais aujourd'hui où j'ai perdu quelque peu de ma suffisance, comment me cacher que je ne me distingue en rien?
Commenter  J’apprécie          100
C’était agréable de penser que je pourrais me livrer en toute quiétude au plaisir de contempler quelque chose de vivant sans être sollicité à y prendre part ; tout ce que je désirais maintenant, c’était rester dans un coin, environné de fumée, de musique et de rires et cependant solitaire, à observer avidement et lucidement un spectacle plein de vie auquel il me plaisait d’être le seul à ne pas participer d’une manière active.
Commenter  J’apprécie          80
"Donc, je vais me taire. Je me tais parce que je suis épuisé par tant d'excès : ces mots, ces mots, tous ces mots sans vie qui semblent perdre jusqu'au sens de leur son éteint. Je me demande si quelqu'un est encore près de moi à m'écouter ?"
Commenter  J’apprécie          80
Bien qu'il me parût nécessaire pour entretenir l'état agréable où je me trouvais de conserver intacte toute ma lucidité, j'avais une connaissance assez éprouvée de ma faiblesse pour prévoir avec certitude qu'aucune considération de ce genre ne me retiendrait de céder à la tentation absurde et immédiate de vider ce verre qui brillait devant moi ; et je crois même que c'est la certitude absolue d'une chute prochaine qui m'entraînait à en avancer l'échéance. Je bus quatre verre consécutifs, c'était bien agréable aussi. La meilleure justification à ma faiblesse me semblait résider dans le fait que ma sensibilité, au lieu de se brouiller, devenait à la fois plus nette et plus réceptive, et je me sentais plein de sympathie, une sympathie formidable, pour tous ces gens agités. Qu'ils avaient raison de rire, de danser, de boire, de se préparer par des mots et des gestes à faire l'amour ! Quel passe-temps utile ! Dans le spectacle de ces gens emplis d'espoir ou de désespoir qui s'aiment ou cherchent l'amour, dans ce bruit de rafale, dans cette odeur chaude et confinée, consiste tout le secret de la vie, me disais-je en soulevant mon verre. Vivre c'est sentir, et boire, danser et rire c'est sentir, donc boire, danser et rire c'est cela vivre et sur ce plaisant syllogisme je vidais mon verre.
Commenter  J’apprécie          60
Je sais bien, nous avons une langue, nous avons inventé la plume à écrire, et elles ne demandent l’une et l’autre qu’à servir. Mais que diable avons-nous besoin d’une langue et d’une plume ? Et, en tout cas, d’où nous vient ce besoin pervers de faire tourner la première inconsidérément devant les auditeurs bouche bée ou paupières closes, de faire grincer la seconde en vue le plus souvent de remédier à l’insuffisance de notre vie ?
Commenter  J’apprécie          60
"Cet individu n'a rien à dire et cependant il dit mille choses ; peu lui importe l'assentiment ou la contradiction d'un interlocuteur, et cependant il ne saurait se passer de celui-ci, auquel il a d'ailleurs la sagesse de ne demander qu'une attention toute formelle."
Commenter  J’apprécie          60
Un bavard ne parle jamais dans le vide; il a besoin d'être stimulé par a conviction qu'on l'écoute , fut ce machinalement ; il n'exige pas la répartie, c'est à peine s'il cherche a établir un rapport vital entre son interlocuteur et lui; s'il est vrai que sa loquacité grandit jusqu'à l'exaltation la plus folle devant l'assentiment ou la contradiction , elle se maintient en tout cas très honorablement devant l'indifférence et l'ennui.
Commenter  J’apprécie          40






    Lecteurs (179) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

    Françoise Sagan : "Le miroir ***"

    brisé
    fendu
    égaré
    perdu

    20 questions
    3679 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

    {* *}