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Critique de Kirzy


La traductrice, c'est Solange, 22 ans, brillante traductrice trilingue qui vient d'intégrer une grosse boîte de BTP spécialisée dans les ponts et barrages en béton précontraint. Sa première « faute », c'est d'avoir cédé aux avances de son séduisant supérieur - marié, queutard et veule - puis d'entretenir avec lui une liaison dans laquelle elle se sent vite piégée. Sa deuxième « faute », c'est d'avoir accepté de l'accompagner en Argentine pour récupérer un marché.

Dominique Forma maitrise totalement les histoires courtes reposant sur des intrigues finement ciselées qui partent dans des directions inattendues. On était pourtant prévenu avec son prologue percutant qui donne le ton : la puanteur d'une chambre mortuaire que ne peuvent masquer moultes feuilles de papier d'Arménie en train de brûler, puis l'enterrement de cet Allemand, respectable de propriétaire terrien en Argentine, dans laquelle déboulent deux hommes qui se mettent à entonner des chants nazis et des « Sieg Heil ! », comme des avertissements aux lecteurs qui va bientôt faire la connaissance de Solange.

L'auteur est un vrai conteur. Il sait installer une ambiance, un décor, un contexte. Nous sommes en 1959, la Deuxième guerre mondiale est désormais bien loin, le monde s'est reconstruit, les Trente glorieuses triomphantes ont poussé la France en plein boom économique sous De Gaulle. L'intrigue est sans gras, resserré au plus juste sur ses personnages, happant le lecteur sans qu'il est le temps de s'en rendre compte. J'ai lu d'une traite.

Solange n'a pas commis de faute. Juste des mauvaises rencontres au mauvais endroit au mauvais moment. Juste des erreurs de timing que Dominique Forma empile implacablement jusqu'à la bascule vers le roman d'espionnage. Avec son assurance naïve, elle se retrouve entrainée malgré elle dans un engrenage terrible aux relents putrides de Deuxième guerre mondiale.

Dominique Forma ne cherche pas particulièrement à développer l'empathie du lecteur pour Solange. Raconté à la troisième personne par un narrateur omniscient, le récit se teinte d'un ton goguenard et malicieux, soutenu par une écriture nette et nerveuse qui vise le pris sur le vif. Solange n'est pas un personnage attachant malgré son statut de victime mais on la plaint, bien sûr, de s'être fourrée dans ce dangereux merdier où tout le monde avance masqué ... sauf elle, le dommage collatéral.

Après avoir refermé les dernières pages, on se dit qu'on vient presque de lire un petit conte cruel. La morale s'abat comme un couperet sur la pauvre Solange. le titre prend alors tout son sens. Non, Solange n'a commis aucune faute mais le contexte patriarcal et misogyne de l'époque fait peser une lourde culpabilité sur les femmes « modernes » ; c'est toujours toujours la faute des femmes tentatrices si des hommes mariés trompent leur épouse, jamais des hommes, c'est toujours leur faute si ça foire, Dominique Forma le rappelle très justement. Avec du piquant.

Un court roman parfaitement construit, il se lit tout seul.
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