Forma Dominique – "
Amor" – Payot / Rivages-noir, 2017 (ISBN 978-2743641290)
La première moitié de ce roman ne fait que relater, avec une grande complaisance, les frasques érotiques d'un couple bobo parisien en vacances : monsieur (universitaire, économiste) et madame (cheftaine du service culture de la mairie) découvrent les charmes et plaisirs supposés des ébats (copieusement détaillés) avec une pauvrette paumée ramassée sur la plage.
Vers la moitié du récit, le lecteur est en droit de se demander s'il a réellement en main en roman policier, ou s'il lui faut abandonner cette lecture de scènes répétitives (vérification faite, Wikipedia nous apprend que l'auteur est un éminent spécialiste de l'histoire du cinéma pornographique franchouillard).
C'est donc vers le milieu du roman que
Dominique Forma, malin et rusé, se décide enfin à bousculer radicalement cette routine : voilà-t-il pas que ce couple de gaucho-bobo se voit proposer une "belle" carrière politique à l'occasion des prochaines élections municipales. Mais évidemment, il faudra faire campagne sur le thème du renouvellement en faisant croire à un couple "modèle" tout gentillet et sans tache.
Affres du choix : renoncer au si délicieux "triolisme" récemment découvert ? dissimuler ? sacrifier au désir de gloire ? Mais de quoi serait capable cette pauvrette utilitaire une fois délaissée, elle qui recherche un foyer ?
Certes, l'auteur use et abuse de scènes et allusions pornographiques, mais il faut reconnaître qu'il maîtrise là un retournement de situation amenant une tension qui transforme brusquement ce récit en "machine à lire" que l'on ne lâche plus jusqu'à la dernière page...
Le lecteur peut légitimement regretter la propension de l'auteur à noircir des pages et des pages de scènes finalement si peu osées, alors qu'il avait visiblement toutes les compétences pour développer d'autres aspects encore plus piquants : mentionnons par exemple les quelques descriptions bien senties – mais hélas bien trop brèves – de ce petit monde des économistes universitaires décrits dans leur exacte sottise (j'en ai même vu un qui vola au secours de son idole Varoufakis, éphémère ministre grec début 2015, heureusement promptement liquidé par Tsipras ramené aux dures réalités par les grands méchants du FMI).
La description sans fard du marché aux puces méritait elle aussi des développements plus fournis, ou encore l'imbécillité des "communicants" et politicards lors d'une campagne électorale, mais c'est sans nul doute l'abyssale opposition entre les attentes de la pauvrette paumée et le comportement de gougnafiers de ces bobos à son égard qui constitue le moteur du récit : l'auteur aurait du creuser cette idée de réduction de l'Autre au rang de poupée gonflable...
"Peut mieux faire"