AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur L'Apocalypse est notre chance (9)

17 septembre. Cette rentrée devait être un moment d’excitation. Après trois années de travaux dirigés dans une salle du sous-sol dont le soupirail nous offrait une vue imprenable sur les organes génitaux de chiens sans respect pour les bâtiments universitaires, j’allais enfin enseigner dans un grand amphi devant plusieurs centaines d’étudiants. J’étais prête pour le bestiaire : celle qui ne dévissera pas du premier rang et qui semble découvrir la Vierge à chaque phrase, celui qui garde les bras croisés, et le sourire goguenard du type à qui on ne la fait pas, à qui la sociologie n’apprendra rien, du type qui en sait déjà long parce qu’il a lu sur Internet un article scientifique qui lui a révélé le secret du grand tout à partir de symboles aztèques ou inuits, mâtinés de lecture dans la salade en sachet et d’interprétation de la courbure du tuyau de douche, une démonstration so 21st century ; mais aussi celui qui opine du chef même quand on se tait, à la manière d’un psychanalyste lacanien songeant à son prochain week-end en Bretagne ; et encore celle qui se prend en selfie – je suis belle, je suis trop belle ; celui qui vient d’obtenir une victoire décisive à Clash of Clans et qui se retient de se lever pour danser sur place ; celle qui dessine en rêvant d’Angoulême ; le cinéphile amateur de films de série Z japonais qui a déniché la dernière paire de lunettes carrées de tout le pays ; celle qui dort, celui qui dort, celui qui lutte contre le sommeil et qui, à force d’écarquiller les yeux et de se mordre les joues, sort vainqueur de son combat sans merci, celle qui lutte contre le sommeil, mais dont le cou est emmitouflé d’une écharpe si moelleuse, si douce, si épaisse que même de l’estrade, on a envie de se lover dedans et qui, inévitablement, finit par fermer les yeux et s’affaisser au milieu de son nuage portatif ; et encore ceux qui notent tout scrupuleusement et lèvent la main pour me demander de ralentir ; ceux qui sont coincés là, à leur corps défendant, parce que leur bourse d’études dépend de leur assiduité et que leur famille ne peut s’en passer pour payer l’électricité ou la mensualité d’un crédit au TEG frôlant le taux d’usure, à un centième – un centième cynique et ricanant – des 21,07 % ; celui qui ne sait pas du tout ce qu’il fait là, dans ce cursus, dans cette université, dans ce monde, et celle qui espère mais qui ne sait pas quoi. J’étais prête pour toutes celles-là, pour tous ceux-là, les amours et les têtes à claques, les sceptiques et les crédules, les curieux et les blasés, les indifférents, les exaltés. Mais j’avais la trouille. Une trouille qui, à 8 h 43, me conduisit aux toilettes de notre appartement où je vomis deux fois avant que Vincent n’arrive avec un fond de pastis qu’il me tendit avec autorité.
Commenter  J’apprécie          30
François Boyron, l’homme de l’Élysée, avait très vite quitté le cimetière pour retrouver son chauffeur. Il lui demanda de s’arrêter place de la Concorde, à l’angle de Rivoli et Saint-Florentin. Sortant vivement d’une grappe de touristes, Delmas, un responsable de la cyberdéfense à l’Anssi, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, s’engouffra à l’arrière, tandis que Boyron remontait la vitre qui les séparait du chauffeur. Son invité était furieux.
Commenter  J’apprécie          30
Devant les bâtiments, je recommençai à respirer. Des étudiants fumaient leurs dernières cigarettes de l’été en exhibant leur peau bronzée, leur tee-shirt vintage ou leurs espadrilles à talons. Je repérai tous les primo-arrivants à leur air effrayé. Contents d’être là, d’avoir au moins franchi l’étape, mais dans la crainte d’être bientôt pris au piège d’une immense machine prête à les transformer en boîtes de conserve.
Commenter  J’apprécie          20
On ne se désintègre jamais quand on le voudrait, nous, les vivants. On est là, condamnés à être là, et à poursuivre.
Commenter  J’apprécie          20
PROLOGUE
Des fourmis. Une armée de fourmis, les corps imbriqués, les membres agglutinés, grattant le sol visqueux, la glaise épaisse de mon cerveau. Une armée organisée, silencieuse, efficace, capable d’enchaîner les heures de lecture, de produire des lignes à l’infini, de manipuler toutes les idées, d’annoter cent paragraphes, d’exténuer des textes et d’en écrire encore. Cette image est née un soir de fatigue tandis que j’écrivais cette foutue thèse sur laquelle je travaillais depuis déjà six ans. J’étais dans le salon, mon ordinateur sur les genoux ; Vincent, mon colocataire, ronflait dans le fauteuil en face. J’avais tellement regardé mon écran ce jour-là qu’en posant mes yeux sur les fils électriques qui s’entremêlaient à mes pieds, je les ai vus onduler. J’hésitais entre aller me coucher et m’offrir en douce le sixième épisode de False Flag. Au moment de me lever, j’ai vu mon armée de fourmis. Elle se reformait à l’intérieur de mon crâne pour attaquer un nouveau pan de ma thèse.
Commenter  J’apprécie          20
Le temps qui s'est écoulé depuis cette soirée est incalculable. Il est d'une nature incertaine. En un seul jour, un seul instant, les choses ont changés. Le futur est différent de ce qu'on en attendait. On se met à oublier le passé.
Commenter  J’apprécie          10
Luc gisait sur son bureau, du sang partout sur le mur derrière lui. Il était mort – et de mort violente. Je sus tout de suite que rien ne serait plus comme avant
Commenter  J’apprécie          10
Willy secoua la tête avec une mine navrée. Il bascula sur un autre sujet : il ne pourrait venir à mes cours qu’une fois sur deux en raison de son travail. Je râlai intérieurement, c’était de pire en pire, un nombre croissant d’étudiants travaillaient, et un nombre d’heures trop important pour suivre leur cursus. Souvent, ce n’étaient même pas ceux qui dormaient en cours. Ils savaient pourquoi ils étaient là. En revanche, leurs notes s’en ressentaient. Il n’y avait pas de miracle, au-delà de quinze heures de travail en semaine, une troisième année d’université, c’était compliqué.
Commenter  J’apprécie          10
Ce soir, j’ai lu mais je pensais trop. Dans ces moments-là, la pensée – ma pensée – m’empêche de suivre celle d’un autre. Je lis et dans le même mouvement mon cerveau se met à fabriquer des idées et des questions, je ne suis plus au texte comme on doit l’être : avec attention sans détour…
Commenter  J’apprécie          00


    Acheter ce livre sur
    Fnac
    Amazon
    Decitre
    Cultura
    Rakuten

    Lecteurs (52) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

    Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

    seul
    profond
    terrible
    intense

    20 questions
    2868 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

    {* *}