L’idéalisation du nu masculin se manifeste aussi par une caractéristique qui frappe immanquablement l’observateur moderne : la miniaturisation du pénis. Des athlètes au corps vigoureux exhibent, dans les peintures sur vases surtout, un membre excessivement minuscule, ne souffrant à l’évidence en rien des complexes qui tourmentent aujourd’hui les mâles des pays occidentaux. De fait, un petit pénis semble avoir été pour les anciens Grecs un trait désirable. Dans « Les Nuées » d’Aristophane, le Raisonnement Juste assure que, par une conduite appropriée, on conservera entre autres « la verge petite », tandis que, dans le cas contraire, elle s’allongera. La céramique attique fait visiblement du long pénis l’apanage de gens de peu : des hommes contraints à de pénibles travaux manuels (et donc des esclaves ou des artisans parmi les moins respectables), ou bien des individus tenus pour difformes : nains, bossus, pygmées, vieillards.
Efforçons-nous donc de nous imprégner de l’idée qu’à des oreilles grecques, l’activité que nous nommons aujourd’hui « sport » d’après un terme anglais sonnait au sens propre comme « dénudation ». Et c’est bien ainsi que l’entendaient les Romains, qui avaient appris des Grecs cette pratique en même temps que les mots qui allaient avec, à commencer par gymnasium et gymnastica. Peut-être sommes-nous désormais en mesure de mieux comprendre l’aversion des Romains pour la pratique sportive, et pourquoi ils allaient jusqu’à considérer que l’excès de « gymnases » avait affaibli les mœurs des Grecs. Car pour faire du sport, pour s’exercer au gymnase, il fallait se montrer nu en public, chose qui déplaisait souverainement aux Romains.