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Critique de berni_29


Où on va, papa ?
Cette citation éponyme résonne comme un chemin, une déflagration, un cri du coeur tout au long de cette confidence que nous offre Jean-Louis Fournier.
Où on va, papa ?
Cette phrase mille fois répétées dans la même journée par son enfant, Thomas, la tête peut-être penchée vers le ciel ou bien sur ses chaussures...
Ici, là, ailleurs, ou bien nulle part.
À tire d'ailes, avec des ailes blessées, ou sans ailes, qui sait...
Jean-Louis Fournier nous parle de son existence de parent, celle qu'il partage avec ses deux enfants, ses deux garçons Mathieu et Thomas, qui ne sont pas comme les autres enfants, ne le seront jamais.
Un jour, il a décidé de leur écrire un livre, celui dont je vous parle, une longue lettre d'amour qui leur est dédiée...
Il dit les choses avec humour et émotion, ce ciel qui leur est tombé, à lui et à sa femme, sur leur tête par deux fois... Cette faute à pas de chance, comme on dit... Deux fois, vous imaginez ? Non, moi non plus.
Mais il dit aussi la chance, une autre façon de voir les choses, les voir d'une autre manière, les dire aussi d'une autre manière, c'est la force du récit...
« Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d'une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler de vous avec le sourire. Vous m'avez fait rire, et pas toujours involontairement. »
Il dit cela de manière cocasse et touchante, c'est un texte souvent tendre et ironique, parfois cynique et empli d'auto-dérision.
« Deux enfants handicapés, c'est deux fois la fin du monde. »
Ce sont des mots qu'on n'a pas l'habitude d'entendre de la part de parents d'enfants handicapés.
« Je me console en pensant que les enfants normaux aussi empêchent leurs parents de dormir. Bien fait pour eux. »
Le regard des autres, entendre dire des tas de bêtises, des poncifs, des choses toutes faites, ceux qu'on voudrait dire si on était à leur place, mais voilà on n'est pas à leur place...
Où on va papa ?
Ici et là, dans des pages sans mélo ni pathos, Jean-Louis Fournier nous invite dans la réalité d'un père qui vit au quotidien avec deux enfants pas comme les autres, qui ne grandiront jamais comme les autres.
Les mots que convoque Jean-Louis Fournier ne sont pas là pour le rendre drôle ou choquant, c'est sa seule façon de garder la tête hors de l'eau, comme il l'avoue au tout du début du récit. C'est un privilège de père, peut-être le seul, nous dit-il. Alors, on lui reconnaît cette grâce et cette légèreté qu'il nous offre et qui lui sont données par l'humour et sans doute un coeur grand comme ça.
Alors j'ai ri, j'ai pleuré. J'ai été touché. Ce texte m'a remué et m'a replongé dans le souvenir de l'enfant pas comme les autres d'un couple d'amis, un enfant devenu adulte aujourd'hui et qui ne grandira jamais... Impossible d'oublier son sourire qui est la seule parole qu'il sait dire...
« C'est sans doute la seule façon qu'il a trouvée de créer un lien avec nous, pour qu'on le tienne par la main. »
On se sent brusquement léger à traverser ce récit, malgré le poids du fardeau que nous évoque ce père presque pas comme les autres.
Ce sont de petites tranches de la vie quotidienne, qui forcément nous rappellent ô combien que nos instants ordinaires paraissent si dérisoires à côté de ceux évoqués dans ce récit, le jour qui se lève, le coucher du soir, Noël qui approche, deux enfants qui grandissent, qui vont désormais à l'institut médico-pédagogique, c'est presque l'école, mais c'est différent aussi ; et puis il y a le reste, immense, qu'on ne peut dire...
C'est un père qui se moque de lui, qui se moque de ses deux enfants, comme des albatros sur le pont d'un bateau. Il se moque avec tendresse, il a besoin de cela pour tenir debout, tenir debout pour leur tenir la main, car sinon, qui d'autres le ferait ?
C'est une leçon de vie, un véritable coup de coeur qui m'a traversé et continue de me traverser ce soir de part en part en vous écrivant.
C'est un magnifique récit épris d'humilité sur l'acceptation de la différence et sa difficulté aussi de l'accepter.
Où on va papa ?
Je ne sais pas, fiston.
Sans doute ici ou ailleurs, ou bien dans un autre endroit qui n'est ni ici ni ailleurs.
Un endroit à inventer ensemble.
Pour toi, pour ton frère, un endroit à réinventer pour les enfants comme vous.
Un endroit surtout où tu continueras de me dire à jamais « où on va papa ».
Un endroit où aller à tire d'ailes, où poser tes ailes, même blessées.
Poser les miennes aussi.
Même sans ailes, nous irons là-bas.
Un endroit où exister.
Ensemble.
Où on va papa ?
Je viens de te le dire, mais tu n'écoutes jamais et puis tu as raison de ne pas m'écouter, le mieux est d'y aller tout simplement, sans se poser de questions.
Allez, viens...
Où on va papa ?
« Ne pas être comme les autres, ça ne veut pas dire forcément être moins bien que les autres, ça veut dire être différent des autres.
Qu'est-ce que ça veut dire, un oiseau pas comme les autres ? Aussi bien un oiseau qui a le vertige qu'un oiseau capable de siffler sans partition toutes les sonates pour flûte de Mozart. »

♫ Explique-moi, Papa
C'est quand qu'on va où ? ♬
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