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Critique de ATOS


ATOS
22 février 2021
Incroyable roman. Troublant. Entre l'ombre et la lumière, le récit grandit, s'élargit, s'épanouit. L'écrivaine fait naître, fait éclore.
Du microcosme d'une rue à la cosmogonie du monde, des mondes.
Souviens-tu. N'oublie pas. Transmets. Garde en mémoire, les noms, les lieux, les visages, les vies, le parfums des fleurs, le bruit de nos rues.
N'oublie rien de ce Récit. Garde. Les mots, les langues. Crée le souvenir. Imagine. Ce qui fut, ce qui est, ce qui sera. Lorsque l'étoile de gravité s'approche les repères, les certitudes s'évanouissent. Les espaces communiquent.
Troublant, déstabilisant. Mais les mots guident, comme des fils conducteurs. Souviens de venir pour revenir. Magie du Récit. Souviens toi de revenir, viens afin de devenir.

Une légende. Une fleur du souvenir. L' étoile de gravité.
Que devient un monde qui perdrait les mots, leur sens ?
Que devient un monde sans mémoire ?
Que devient le connu, le reconnu lorsque les mots sont oubliés, lorsqu'on les vides de la mémoire qu'ils contenaient ?
Qu'est ce qu'aller à l'inconnu ? L'inconnu de la vie, l'inconnu de la mort.
Jane Frame…
Mémoire. Elle qui a été si près de la perdre, de la voir anéantie, Elle qui à qui on devait faire subir une lobotomie, alors que le diagnostic de sa maladie était erroné. Elle , qui fut sauver par les mots, par ses mots.
Un livre peut sauver une vie.
Mémoire, souvenir. Dimensions des mondes que nous traversons, habitons. Nomades, toujours. Une chambre d'échos, toujours.
Propriétaire de rien. Sauf de ce que nous créons. Responsable plus que propriétaire. Dépositaires de savoirs. Artisans de connaissances.
le souvenir se construit, l'amour se construit. On se nourrit.
Entre rêve et réalité, nous accrochons nos étoiles à nos mots. Nous créons tous une réalité. Imaginable ou inimaginable. Faire devenir l'inimaginable. Être en capacité de projeter. L'inimaginable d'hier recèle l'imaginable de demain.
«  (…) alors qu'Ève avait goûté son propre lendemain et celui d'Adam, le femme du Maharawhenua a goûté le hier à l'intérieur du lendemain (...) »
Pour avancer, pour éclairer, pour dessiner la ligne de notre chemin. le souvenir porte les fruits de l‘avenir. Conte après conte, branche après branche, l'arbre donne et il grandit.
Poétique, philosophique, légendaire, prophétique, initiatique.
Un roman sur l'écrit, les mots, l'essence de nos vies. La dimension, les dimensions de nos vies. de notre mémoire, de nos souvenirs.
Comment une image peut-elle sembler si lointaine alors qu'un souvenir peut être si proche ? Par quel étrange passage notre esprit voyage-t-il ?
Au delà, en deçà, par de là.
Lorsque les distances ne veulent plus rien dire, lorsque le temps ne signifie plus rien, où vont les mots ? Tombent-ils comme des pétales de la fleur du souvenir ?
Deviennent-ils cendres ? Qui est auteur ? Qui est imposteur ?
Quelle fleur, quel arbre, quel fruit pourront demain nourrir notre Récit ?
Le conte d'une légende. La nôtre. Celle des petites poussières d'étoiles que nous sommes. «regarder loin, c'est regarder tôt» nous a appris Hubert Reeves.
Et regarder le proche, est-ce écrire le lointain ?..
et si tout , n'était qu'une mise en lumière.
Une force de gravité peut faire converger la lumière d'un astre comme le rappelle l'autrice dans ses notes.
« Les poètes qui vivent dans l'inimaginable connaissent depuis toujours l'Étoile de gravité ».

Un des prodiges de ce roman réside dans le fait que l'autrice a implanté son récit dans une simple rue et a été capable , et cela grâce à ses mots, de nous mener aux vergers de notre esprit.
Faire éclore une conscience. Faire naître en nous. Ensemencer les mots pour que nous devenions bien plus que des immortels : des vivants, en ayant pris conscience de ce que nous recevons, transportons, transmettons.
Onzième roman de Janet Frame. Bouleversante métafiction.
Une littérature stellaire qui nous rappelle que nous sommes toutes et tous, les Intendants de l'Ancien Printemps.
Toi qui viendras : souviens toi.
Un des plus grands romans de la littérature mondiale.
Merci aux éditions esperluète, et à Pierre Furlan le traducteur, qui ont oeuvré pour que la lumière de cette étoile nous parvienne.
Opération Masse Critique 02.2021

Astrid Shriqui Garain

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