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Critique de lebelier


Cet anneau est le symbole de l'évêque, celui par lequel il est consacré. C'est à travers cette quête d'une accession à l'évêché de l'abbé Guitrel que se construit le roman. Cette ambition a pour fond l'affaire Dreyfus qu'on ne désigne que par « l'affaire ». Tous les bourgeois, généraux aristocrates déchus et bien sûr hommes d'église, dans le petit cercle du duc de Brécé (qui n'est pas sans rappeler celui des Verdurin chez Proust qui inventa son Bergotte en partie d'Anatole France) sont profondément anti-dreyfusards par tradition antisémite chrétienne et parce que, comme, il disent, quatorze officiers de la justice militaire ne peuvent pas tous se tromper. Une autre ambition se dessine, celui du soldat Bonmont qui rêve d'accéder aux chasses du duc. Il doit pour cela obtenir un « bouton » l'autorisant à chasser en compagnie sur le domaine. C'est donc lui qui va intriguer, espérant le soutien de l'abbé Guitrel, pour le conduire à l'évêché et les moyens passent par les femmes qui trompent leurs maris et celles qui connaissent un ministre. Nous sommes dans la France de 1900 et, à une époque où l'on se bat encore pour la laïcité, on nous rappelle qu'il existait alors un Ministère de l'Enseignement et des Cultes. C'est cette vieille France dont se moque leur contemporain Anatole France, mais la nôtre doit avoir encore son lot de compromis. En tout cas le sabre et le goupillon en prennent pour leur grade !
De plus, les de Brécé sont d'autant plus gênés que la famille Bonmont sont des juifs récemment convertis au catholicisme et font parfois du zèle, par exemple en envoyant un précieux ciboire pour la soi-disant miraculeuse « Notre-Dame-des Belles-Feuilles », miraculeuse par une jeune fille, Honorine, qu'on croit pure et qui a des apparitions de la Vierge. En vérité, Honorine a trouvé un filon et sait se laisser séduire par un garçon du village puisqu'on les trouve un jour « couchés dans les feuilles. » Toute l'ironie de France est là, dénonçant les hypocrisies, les conservatismes de tout poil.
Pour incarner tout cela nous avons le personnage de Bergeret, érudit, professeur d'Humanités qui vit comme un philosophe et vit enfin libre puisque sa femme le quitte au début du roman. Rappelons aussi qu'Anatole France était un libre penseur proche de Zola et de Renan, cités dans la roman. C'est dans ses discussions péripatéticiennes avec son ami Mazure que Bergeret laisse voir son aspect méfiant vis-à-vis de la foule et de la majorité bien-pensante de l'époque, se défiant de tout apriori. En ce sens, il régale le lecteur de citations tirés des Anciens, de traductions du grec qu'il est en train de faire, intéressantes mais peut-être un peu longues parfois.
C'est ma première incursion dans Anatole France et je n'ai pas été déçu : de l'esprit de l'érudition, de la réflexion intelligence pendante à la sottise des autres, forts de leurs certitudes apprises et somme toute contrecarrés dans leurs ambitions de boutiquiers et ayant l'idée d'une France qui n'a jamais existé.
J'ai lu Anatole France parce que je savais que Proust l'admirait. Cette vieille France avait pour elle les stylistes, la phrase est bien tournée, le mot est rare. On pressent Proust à bien des égards. Bref, nous sommes en bonne compagnie.
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