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Critique de gill


gill
06 décembre 2022
En peu de lignes, à l'ouverture de cet ouvrage, Anatole France fait le récit rapide de l'histoire d'une lignée, et de l'ascension fulgurante d'une famille de 1789 à l'aube du vingtième siècle.
Romain Bussart, laboureur à Esparvieu, fit fortune à la révolution en achetant des biens du clergé.
Le baron Alexandre d'Esparvieu, un de ses proches descendants, profita de cette fortune encore toute fraîche pour constituer l'Esparvienne, une bibliothèque de 360.000 volumes, tant imprimés que manuscrits.
Et voilà bien l'univers d'Anatole France reconstitué : une immense bibliothèque, confiée aux bons soins de Julien Sariette, modeste archiviste et paléographe doué d'une méthode et d'une patience obstinées.
Seulement quelques uns de ses volumes semblent avoir été pris d'une sorte de danse de Saint-Guy.
Il y aurait-il derrière tout cela quelque sombre diablerie ?
"La récolte des anges" est une parabole, un épître selon le grand écrivain bibliophile Anatole France.
Il y réinvente l'histoire des cieux, y redéfinit la nature de chacun de ses protagonistes pourtant devenus fameux en 2000 ans de messes, de vêpres et autres liturgiques petites réjouissances.
Anatole France y fait preuve ici d'une subversive ironie.
Le diable est dans le détail, mais aussi dans la bibliothèque éparpillée !
Le malfaiteur est dans la maison.
La trace d'un pied inconnu est remarquée ...
Un chuchotement est entendu ...
L'ange gardien de Maurice d'Esparvieu, dernier du nom, vient à apparaître et c'est ... "la révolte des anges" !
Malgré quelques longueurs, les personnages sont savoureux et les situations sont cocasses.
Cette nouvelle légende est un roman très parisien, puisqu'il paraîtrait que, même déchus, les anges aiment à flâner dans Paris, à y respirer son air tout particulier de liberté, de curiosité et de doute.
Le récit se suffirait presque à lui-même.
Mais il n'est que la tenture qui, écartée, laisse apparaître toute la pensée du grand philosophe.
Car ce livre, "la révolte des anges", est tout de philosophie, et de théologie profane.
Il s'attarde, bien sûr, sur la collusion entre le sabre et le goupillon.
Mais il ne s'en contente pas, le propos s'y enfonce encore bien plus dans un grand chamboulement de l'ordre établi.
Il en vient même à saper les fondements même de la mythologie chrétienne et du pouvoir politique.
Ce livre est une bombe, un concentré d'anarchie tranquille !
La science, l'art, le savoir, l'amour des hommes et des livres, voilà bien l'univers d'Anatole France reconstitué.
Alors, bien sûr, dans ce livre "la révolte des anges", le mot suit son petit pépère de chemin.
Il n'est pas question de se presser, on est bien là, entre amis bibliophiles moqueurs et mécréants.
Il en est de la vie comme de la musique, doit-y régner de l'harmonie.
Et le plus grand péché dont peut s'enorgueillir la plume d'Anatole France est d'avoir fait du diable le diapason de cette harmonie, d'en avoir fait un héros magnifique, le symbole de la vacuité du pouvoir ...
Un péché impardonnable pour un livre mémorable !
Les plus turbulents de nos écrivains contemporains n'ont qu'à bien se tenir ...



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