AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Dostoievski, un écrivain dans son temps (15)

Contexte : Années de bagne.

Le noyau du Dostoïevski de la maturité est déjà contenu dans les pages apparemment objectives et neutre des Souvenirs de la maison des morts, et c’est en pensant à cette œuvre qu’on peut comprendre une des pages les plus discutées qu’ait jamais écrites Dostoïevski Il s’agit d’un passage de la lettre touchante et sincère qu’il adressa à madame Fonvizina peu après sa libération, qui nous donne un aperçu de la relation tourmentée entretenue par Dostoïevski avec la foi.
- J’ai entendu dire par beaucoup que vous étiez très religieuse, N[atalia] D[mitrievna]. Je vous dirai, non parce que vous êtes religieuse mais parce que j’ai moi-même vécu et ressenti cela, qu’en de tels instants l’on a soif de foi, comme « l’herbe desséchée », et qu’on la trouve finalement, pour la simple raison que dans l’épreuve apparaît la vérité. De moi je vous dirai que je suis enfant de mon temps, enfant de l’incroyance et du doute jusqu’à ‘à présent et même (je le sais) jusqu’au tombeau. Quels terribles tourments m’a valus et me vaut encore aujourd’hui cette soif de croire, d’autant plus forte en mon âme que j’ai plus d’arguments à lui opposer. Et pourtant, Dieu m’envoie parfois des instants de paix absolue ; dans ces instants-là, j’aime et m’estime aimé des autres, et c’est dans ces instants-là que j’ai forgé en moi un credo ou tout m’apparaît limpide et sacré. Ce credo est fort simple, le voici : croire qu’il n’est rien de plus beau, de plus profond, de plus sympathique, de plus raisonnable, de plus viril et de plus parfait que le Christ, et que non seulement il n’est rien de tel, mais je me dis avec un amour plein de zèle qu’il ne saurait rien y avoir de tel. Bien plus, si quelqu’un me prouvait que le Christ est hors de la vérité, et que la vérité fût réellement hors du Christ, je voudrais plutôt rester avec le Christ qu’avec la vérité*.

*Lettre fin janvier-20 février 1854. Correspondance T

P. 215-216
Commenter  J’apprécie          00
Contexte : emprisonnement dans la forteresse Pierre-et-Paul.

Si l'expiation, le pardon et l'amour finirent par prendre le pas sur toute autre valeur dans l'univers artistique de Dostoïevski, c'est sans doute parce qu'ils correspondaient à la vérité qu'il découvrit lors de l'expérience la plus effroyable de sa vie.
Ce sentiment aigu de la terrible fragilité et du caractère transitoire de l'existence humaine lui permit bientôt de représenter, avec une urgence qu'on ne trouve chez aucun écrivain moderne, le commandement inconditionnel et absolu de l'amour mutuel, qui pardonne tout et embrasse tout. La morale de Dostoïevski est comme celle de certains théologiens qui, à propos des premiers chrétiens, ont parlé d'une "éthique de l'entre-temps ", c'est-à-dire d'une éthique dont l'intransigeance vient de l'imminence cachée du Jugement dernier : il n'y a pas de temps pour rien d'autre que pour le baiser de la réconciliation parce que, littéralement, il n'y a pas de "temps". La force (ainsi qu'une partie de la faiblesse) de l'œuvre de Dostoïevski vient en dernière analyse de l'extrême acuité avec laquelle, par-dessus tout, il chercha à communiquer la force salutaire de ce noyau escatologique de la foi chrétienne.
P. 178
Commenter  J’apprécie          00
Concerne Le Bourg de Stepantchikovo et ses habitants :
Une fois encore, Dostoïevski insiste sur l’identification personnelle avec la victime ou avec celui qui souffre – une compassion qui ne procède pas d’une théorie de la pitié sociale, avec ce qu’elle supposerait de distance et de hiérarchie, mais d’une manière de penser et de sentir qui place exactement sur le même plan moral celui qui pardonne et celui à qui il est pardonné.
Erich Auerbach a noté que le réalisme russe, à la différence des autres littératures européennes du XIXe siècle, « repose sur une conception chrétienne-patriarcale de la dignité créaturelle de chaque être humain, quel que soit son rang social ou sa situation » et a « fondamentalement plus d’affinités avec le réalisme vieux-chrétien qu’avec le réalisme moderne occidental ».
Dans Stepantchikovo et ses habitants, Dostoïevski renonce à ses convictions des année 1840, imprégnées des conceptions occidentales. Plus exactement, son attachement aux valeurs chrétiennes, fondé autrefois sur une sensibilité sociale, se rapproche maintenant d’un sentiment plus traditionnel de la faute universelle et de la responsabilité du mal et du péché. Seul l’amour du prochain naissant d’un tel sentiment, nous dit-il, peut nus permettre d’échapper à l’orgueil pharisaïque et à une condescendance insultante, seul un tel amour est capable de juger et de pardonner en même temps.
P. 266
Commenter  J’apprécie          00
Après Les Pauvres Gens, la société était vue en grande partie à travers la perception qu’avait d’elle les personnages ; si Belinski condamna ce point de vue interne, Maïkov le salua non seulement comme l’épanouissement des dons de Dostoïevski mais aussi comme une exploration de la réalité. « Dans Le Double, écrit Maïkov, il pénètre si profondément l’âme humaine, il fouille si courageusement et si passionnément dans la mécanique secrète des sentiments humains, de la pensée et de l’action, que l’impression créée par Le Double ne peut être comparée qu’à celle d’une personne curieuse qui pénètrerait dans la composition chimique de la matière . » Cette « vision chimique de la société » continue-t-il, va tellement loin qu’elle semble être « dotée d’une sorte de lueur mystique » ; mais il y avait là rien de mystique et la représentation de la réalité était aussi « positive » qu’elle pouvait l’être. Refusant catégoriquement toute fonction prescriptive de la critique, Maïkov déclara que « la fidélité à la réalité est une condition tellement importante de chaque œuvre d’art qu’un individu doué de talent artistique ne produit jamais rien qui soit contraire à cette condition ». En conséquence, il est inutile d’imposer, au nom de la « réalité » la moindre critique artistique.
P. 130 – 131
Commenter  J’apprécie          00
Concerne un commentaire des écrits de Dostoïevski par un de ses contemporains :
L’amitié de Maïkov avec le célèbre Dostoïevski, qui était de peu son aîné, joua probablement un rôle dans la formulation d’un tel programme critique : les articles de Maïkov sont le meilleur commentaire des écrits de Dostoïevski par un de ses contemporains. « Gogol et Dostoïevski représentent l’un et l’autre la société existante, écrit-il. Mais Gogol est un poète avant tout social, alors que Dostoïevski est un poète avant tout psychologique. Pour le premier, l’individu est important en temps que représentant d’une certaine société ou d’un certain groupe ; pour le second, la société est intéressante à cause de son influence sur la personnalité de l’individu. […] Dostoïevski nous donne une représentation artistique frappante de la société russe, mais avec lui cette représentation n’est que le fond du tableau, et elle est […] effacée par l’importance de la psychologie. »
P. 130
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (10) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les écrivains et le suicide

    En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

    Virginia Woolf
    Marguerite Duras
    Sylvia Plath
    Victoria Ocampo

    8 questions
    1754 lecteurs ont répondu
    Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}