Il s’imagina de retour chez lui, à Cold Mountain, si haut que pas une âme, hormis les faucons de nuit à travers les nuages de l’automne, n’entendrait son cri plaintif. Il mènerait une vie si calme qu’il n’aurait plus besoin d’oreilles. Et si Ada voulais venir avec lui, son désespoir, dans un futur encore impossible à imaginer, en viendrait avec le temps peut-être presque à disparaitre.
« Nous vivons dans un monde fiévreux » (p. 207)
« L’âpre bataille pour la survie, voilà ce que Ruby sembla enseigner à Ada chaque jour, le premier mois qu’elles vécurent ensemble. » (p. 130)
« Jamais encore Ada ne s’était aperçue qu’il était si assommant de vivre, tout simplement. » (p. 129)
A propos du livre de Bartram :
« À son avis, il s’agissait d’un texte presque sacré, d’une telle richesse qu’à y puiser au hasard et à ne lire qu’une seule phrase on était pourtant assuré d’y découvrir instruction et ravissement. » (p. 469)
« Inman se cramponnait à l’idée d’un autre univers, un monde meilleur, et il se disait que le situer au sommet de Cold Mountain plutôt qu’ailleurs était une bonne chose. » (p. 34)
« Qu’en coûtait-il de ne pas avoir d’ennemi ? À qui s’en prendre sinon à soi-même ? » (p. 26)
Elle essuya sa plume sur un buvard puis la trempa de nouveau dans l'encre avant d'écrire: "Reviens-moi, je te le demande." Elle signa, plia le papier et l'adressa à l'hôpital de Richmond.
Il vit une jeune femme brune s'avancer au milieu des chevaux et passer une bride à une jument grise. Elle portait un chandail d'homme sur une longue jupe noire, et elle était à peu près aussi jolie qu'une femme peut l'être. La noirceur de sa chevelure, sa façon de bouger, ses doigts graciles lui rappelèrent un instant Ada. Il s'attarda à la contempler tandis qu'elle ramassait le bas de sa longue jupe et de son jupon pour les coincer entre ses dents avant de monter sur la jument à califourchon, ses jambes blanches découvertes jusqu'aux cuisses [...] L'eau ruisselait sur son dos et ses flancs, et sa cavalière était trempée jusqu'aux hanches. Elle se penchait en avant pour garder l'équilibre, son visage presque contre l'encolure, sa chevelure mêlée à la crinière de la jument. Arrivée sur le plat, la femme enfonça ses talons dans les flancs de sa monture, et partit au galop à travers les arbres. Cette scène avait ému Inman qui remercia la providence de lui avoir accordé cette vision de bonheur.
Si la lumière n’avait pas été aussi faible, Inman aurait lu pour passer le temps jusqu’au petit déjeuner, car le livre dans lequel il était plongé avait le don de l’apaiser. Mais il avait consumé sa dernière bougie la veille au soir, en lisant pour faire venir le sommeil, et l’huile de lampe était une denrée trop rare pour que l’on allume les lumières de l’hôpital à seule fin de se distraire. Il se leva, s’habilla et s’assit sur une chaise, le dos tourné à la salle obscure et aux blessés couchés dans les lits. Il chassa de nouveau les mouches et regarda la première trace de l’aurore embrumée apparaître, le monde extérieur commencer à prendre forme.