"Alors pourquoi s'entourer de ce petit tas de livres sur les enfants morts ? Quand je parviens à en lire quelques lignes, ils me paraissent étrangers : j'essaie de trouver en eux une improbable consolation. La mort d'un enfant est devenu un genre littéraire. Il est impossible pour un écrivain qui subit une catastrophe de ne pas en faire un linceul de papier. Combien de parents ont perdu leur enfant sans encombrer les librairies ?" C'est bien le problème que me pose ce livre. Gaston, c'est le premier jumeau prématuré de l'auteur qui pendant plusieurs semaines lutte pour la vie dans le service de néonatalité de l'hôpital de Rouen. Gustave, c'est
Flaubert, admiré, vénéré, dont la statue (du commandeur pour
Le Normand et l'écrivain qu'est
Olivier Frébourg) garde l'entrée de l'hôpital. Entre les deux, l'enfant déjà mort, le petit jumeau de Gaston, Arthur, qui n'a pas survécu à l'accouchement. L'auteur construit un récit qui nous livre, entrelacés, le déroulement et les circonstances de sa catastrophe intime, et les fragments de la vie et de l'oeuvre de
Flaubert dans les résonnances et les correspondances qu'ils font naître durant ces périodes de chagrin et de larmes. Que penser de ce livre ? Les critiques sont unanimes ("
Gaston et Gustave" a reçu ex aequo avec le livre "Dépaysement : voyages en France" de
Jean-Christophe Bailly, le prix
Novembre il y a quelques jours) et saluent un récit bouleversant. Et moi ? Rendue allergique à ces récits « autour de l'enfant mort » devenus comme le signale lui-même l'auteur un "genre littéraire" et auquel il se défend intelligemment à l'avance de participer, j'ai dû vraiment me faire violence pour poursuivre ma lecture au-delà des premières pages. Si la catastrophe humaine que vit l'auteur ne peut que faire écho à ce qu'il y a de plus sensible en nous, il n'empêche qu'un certain agacement a fini par m'envahir d'être ainsi conviée malgré moi à la représentation de la vie de l'auteur qui, au fond, semble tellement convenue et attendue (son métier d'éditeur, sa femme artiste, ses enfants, la famille, les amis, les écrivains-voyageurs et j'en passe, tous formidables...). Mais une fois cet écueil passé (les métaphores maritimes sont légion dans le livre), de belles pages sont offertes. Car l'auteur a du talent et sait écrire. Au fur et à mesure que l'on avance dans le récit, qu'il nous livre avec beaucoup d'enthousiasme son exercice d'admiration pour
Flaubert, paradoxe ( ?), plus son récit intime semble se libérer et peut se partager avec son lecteur. Un des objectifs du livre ?