Alors Catherine replia son bras sur le corps blotti contre elle de son petit-fils, et elle se mit à pleurer en silence. Elle n'était pas triste, pas vraiment émue non plus, juste sous le choc de ce contact physique qu'elle n'avait pas anticipé. Cela faisait tellement longtemps que personne ne l'avait touchée et qu'elle n'avait touché personne...
Je te jure, c'est à hurler, tous les mômes de la terre ont le droit de regarder la télé, sauf mon petit-fils !
Il a fallu que ça tombe sur moi, c'est quand même pas de chance !
Non mais franchement, donne-moi une raison valable de priver ce môme du seul divertissement qui ne tache pas, qui ne produit aucune nuisance sonore, pas de cris, pas de pleurs, pas de questions, et durant lequel, au moins, tu sais qu'il n'ira pas se cogner la tête ou s'érafler un genou ?
C'est comme ces femmes qui continuent d'émincer leurs carottes alors que Picard en vend en rondelles, ça me dépasse !
La réalité, c'était qu'elle passerait son été à se dire que son mari viendrait bientôt, et elle en serait si convaincue que, chaque matin, elle trouverait la force de sortir de son lit, de passer sous sa douche, de mettre un pied devant l'autre, les gens la traiteraient de mythomane, peut-être même de malade mentale, mais les jours finiraient bien par raccourcir et les nuits par devenir plus fraîches, et puis un matin on serait le 1er septembre et elle aurait réussi à ne pas se foutre en l'air.
Catherine portait le même jugement sur les bonnes que sur les hommes, elle considérait que la difficulté n'était pas de les trouver, mais de les garder et que, de ces êtres ingrats, il ne fallait pas attendre la moindre moralité : du jour au lendemain, ils pouvaient vous quitter.
Nous léguons des bijoux, des tableaux, des châteaux, nous romançons nos vies, des centaines et des centaines de pages pour nous raconter, pour laisser une petite trace, mais, au bout du compte même les grands hommes finissent par n'être plus qu'un nom de rue. Nos descendants sont notre seule mémoire. Nos descendants sont la vie et la vie seule peut se souvenir. Nos enfants ne nous enterrent pas, ils nous prolongent.
« Il faut que tu te réveilles, Adèle, mamie Nova, c’est terminé ! Oui, je me fais sauter ! Oui, je prends mon pied ! J’ai soixante balais et je mouille encore le fond de ma petite culotte, si tu veux tout savoir ! »