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Critique de SZRAMOWO


« Parce que, si élevée que soit notre fortune, nous nous accrochons au moindre sou. Et nous traitons toute menace de la diminuer comme une atteinte à notre existence. »
Voilà qui résume la philosophie des 400 familles régnant sur la société new-yorkaise en 1910, dictant ce qu'est la norme sociale, le bon goût et définissant qui doit être autorisé à les fréquenter et qui surtout ne doit pas l'être.
Les Benchley, famille d'un « …industriel à la fortune assez récente. (…) débarqués depuis peu à New-York et méprisés par la haute société (…) », sont chaperonnés par les Tyler qui les mettent alors en relation avec Jane Prescott, une gouvernante qui « Par sa position intermédiaire sur l'échiquier social, fait la jonction entre différents milieux. », à charge pour elle de coacher Charlotte et Louise, les deux filles Benchley.
Faisant oeuvre d'historienne, mais aussi d'auteur accomplie de thriller, Mariah Fredericks dresse un panorama très juste de cette société américaine soi-disant faite par des pionniers, explorateurs et créateurs d'un nouveau monde, qui ont exportés les travers de l'ancien monde et reproduisent avec la plus grande brutalité ce que l'Europe a de plus sombre.
Capitalisme sauvage, exploitation des enfants, prostitution, presse à scandale, Jane Prescott est souvent aux premières loges, souvent tiraillée entre deux mondes, celui des gens pour lesquels elle travaille et dont elle maîtrise parfaitement les codes, et celui de son père qui a créé un foyer d'accueil pour d'anciennes prostituées et de son amie Anna, anarchiste revendiquée, dont les idées l'attirent et la font fuir tout à la fois.
Jane va endosser le rôle en parfaite détective et tenter de découvrir qui est l'auteur de l'assassinat de Robbie Newsome le fils d'une famille d'industriels au coeur du scandale de l'accident à la mine de Shickshinny au cours duquel 8 enfants ont été tués ainsi que de nombreux mineurs.
En compagnie du reporter de Town Topics, Michael Behan, un Irlandais aux méthodes contestables, elle remonte l'histoire ancienne de ces familles qui cachent plus de turpitudes qu'elles ne prétendent en découvrir chez ceux dont elles souhaitent se protéger.
La force de Jane est de douter face aux réalités que chacun des protagonistes du récit entend faire valoir comme la seule vérité, la sienne.
Syndicalistes, anarchistes, détectives de la police, maîtres et serviteurs jouent à ses yeux un rôle qu'elle refuse d'endosser.
Le personnage lumineux, intègre et objectif de Jane, permet à l'auteure d'éviter de tomber dans le débat classique entre bien et mal ou entre bons et méchants.
L'accident de la mine, puis l'assassinat de l'héritier des Newsome deviennent un enjeu de pouvoir dans lequel la recherche du coupable importe peu, dès l'instant où un coupable évident servant les thèses de la police et de l'opinion suffit à une parodie de justice et permet à l'ordre social de se maintenir. Tous les morts ont-ils le même prix face à une telle justice ? C'est la question que pose Jane.
Un roman digne d'intérêt pour la précision et la justesse de son propos, le style alerte et vif du récit, la description juste du contexte, l'analyse pertinente de l'ambiguïté des relations entre maîtres et domestiques, et surtout la présence des personnages, notamment celui de Jane et ceux des membres des familles Tyler, Newsome et Benchley prêts à tout pour défendre leurs prés carrés.
Un thriller historique réussi et palpitant.

Lien : https://camalonga.wordpress...
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