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Critique de florigny


A près d'un siècle de distance, il est difficile pour le lecteur de 2023 de se représenter la déflagration planétaire causée par la première traversée de l'Atlantique en 1927, 5 800 kms, par Charles Lindbergh à bord d'un monoplan, autrement dit une coquille de noix volante. Erigé en héros mondial, idolâtré, surnommé Lindy ou l'Aigle solitaire, Charles doit affronter avec ses proches une notoriété délirante, des quidams fanatisés, des reporters avides d'une confidence à n'importe quel prix, jusqu'à écraser accidentellement son chien en pénétrant sans invitation dans sa propriété familiale. Dans ce contexte sans équivalent connu, Charles Lindbergh junior devient le bébé le plus célèbre d'Amérique et de ses environs. Aussi, lorsqu'il est enlevé dans sa chambre le 1er mars 1932, l'Affaire du siècle voit le jour, alimente les unes mondiales durant des années, exacerbée par la découverte du petit corps et la condamnation à mort controversée puis l'exécution de Bruno Richard Hauptmann, coupable sur mesure servi sur un plateau.


Mariah Fredericks, revient sur ce drame, choisit de le romancer en adoptant le point de vue de Betty Gow, jeune écossaise dépouillée de sa personnalité pour devenir aux yeux du monde « la nurse des Lindbergh », dernière à avoir vu vivant le bambin, et soumise aux soupçons.


L'auteure aborde sans langue de bois ou tabou, tous les aspects de ce fait divers hors de toutes les normes existantes. Elle n'hésite pas à revenir sur le mode d'éducation choisi par les Lindbergh pour leur progéniture : la méthode Watson, reconnue cruelle des années plus tard, favorisant l'autonomisation précoce des enfants, nécessaire dans une société cannibale où ils devront lutter pour ne pas être dévorés. Toute dépendance est une faiblesse, trop de câlins favorisent l'attachement nuisible et le besoin. Au nom de ces principes érigés en dogme par les parents Lindbergh, Betty est sommée de réveiller Charles Junior chaque nuit à heures régulières, depuis ses premiers mois de vie, pour le mettre sur le pot afin de provoquer une propreté que son jeune corps immature ne peut pas accomplir. L'auteure n'hésite pas non plus à rappeler les liens puissants du héros made in america – grand blond aux yeux bleu acier - avec le régime nazi admiré ni sa froideur et son indifférence publiquement affichées après l'enlèvement de son fiston. Ces faits historiquement connus ne justifient en rien, faut-il le préciser en cette période troublée, l'ignominie commise avec le meurtre d'un bébé. Pour bien mesurer son impact inouï, le mot « kidnapping » a été créé dans la langue anglaise et apparaît pour la première fois dans les suites de cet enlèvement avec demande de rançon.


Je salue l'immense travail documentaire de Mariah Fredericks qui est à la fois la qualité principale et le principal défaut de son ouvrage. Car en effet, si l'on choisit l'angle d'attaque romancé, est-il utile que l'enquête soit aussi fouillée, car jamais le lecteur ne sait avec certitude de quel côté réel ou imaginaire il se trouve. le mélange des genres brouille les cartes et c'est dommage, déprécie à mon sens, le boulot accompli, le rendant parfois invisible, voire inutile. Pour les lecteurs qui préfèrent les faits divers romancés aux documentaires ou enquêtes journalistiques, je signale à toutes fins utiles sur le même thème de l'enlèvement de Charles Lindbergh Junior, La voix du sang de Andrew Coburn, qui propose un scenario imaginaire très bien ficelé.
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