AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Où se perdent les hommes est un roman de René Frégni, publié en 2000 et qui aborde déjà des thèmes qui sont chers à cet auteur et appartiennent à son ADN : le milieu carcéral, l'amitié, la famille, l'amour, la sensualité, le désir, le soleil de Provence, quelques blessures aussi enfouies dans les régions intimes de l'âme...
Ralph le narrateur rédige au quotidien des rapports d'études psychiatriques. Il anime aussi tous les jeudis soir un atelier d'écriture dans une prison de Marseille, celle des Baumettes. Et puis c'est un auteur, il écrit mais ne parvient pas à faire publier ses textes. Ralph porte sur ses épaules le poids d'un écrivain raté et cela va se ressentir dans l'intrigue du roman...
Un jour, dans cet atelier d'écriture, Ralph voit arriver un détenu étrange, Gabriel Bove, condamné à dix-huit ans de réclusion pour le meurtre de sa femme, Mathilde. Cela fait trois ans que Gabriel Bove est enfermé, n'ayant jamais franchi une seule fois le seuil de sa cellule, ne serait-ce que pour la promenade quotidienne ou une visite au parloir...
Ralph découvre peu à peu la légende qui entoure cet homme, dont toute la prison parle sans l'avoir jamais vu. Gabriel Bove vit dans huit mètres carrés avec le fantôme de sa femme Mathilde qu'il peint inlassablement sur les murs de sa cellule. Dès lors la personnalité de Gabriel Bove l'obsède...
Une amitié commence à se lier entre Ralph et Bove. Les deux hommes s'apportent leur histoire, leur chemin, c'est la rencontre de deux itinéraires différents, mais qui se croisent derrière les murs d'une prison.
Ici, j'ai vu une magnifique histoire d'hommes mais aussi de femmes, des trajectoires de vies qui filent comme des comètes et se percutent dans un ciel en feu.
Ainsi il y a Laura, l'ex-compagne de Ralph qui tient un restaurant au nom merveilleux de Piment-café. Ils continuent de se revoir, s'effleurent, regrettent-ils déjà de s'être séparés ? Ces deux-là visiblement s'aiment encore...
Nous découvrons l'histoire de Bove, mais nous découvrons aussi l'univers carcéral, la vie des prisonniers. Derrière les murs, des hommes, parfois des hommes très durs, très violents, appellent du fond de leur cellule le soir un quelconque Dieu qui les a peut-être oubliés, appellent leur mère aussi...
Devenir fou parfois est le quotidien des hommes qui crient là-bas.
Nous passons du dedans au dehors. de la prison à la vie... Chaque fois que Ralph reprend la route vers l'autre pan de sa vie, Jessie Norman chante pour lui l'Ave Maria de Schubert.
Nous découvrons dans ce livre des odeurs de forêt, le soleil de Provence, l'amour et l'amitié, le bruissement des feuilles, le désir qui hante de douleur le ventre des détenus au fond de leurs cellules.
Le soleil de Marseille ou de Manosque est peut-être le même, celui qui éblouit les yeux des prisonniers, qui glisse sur les peaux, grossit les cœurs, les fait enfler de désir...
L'ombre d'un figuier vient et nous invite à franchir les pages du paysage. Des vallées, des forêts, des saisons nous emportent.
La mère de Ralph est morte depuis longtemps, tandis que son père est en maison de retraite. C'est une fin de vie et les pages qui décrivent ces instants sont peut-être celles les plus belles du livre, les plus touchantes, les plus drôles aussi.
Le narrateur pense à l'enfant qu'il fut, endormi sur le ventre de sa mère. Derrière chaque visage d'homme, il y a sans doute un enfant qui pleure. Le livre évoque ainsi l'absence qui nous les rend invisibles ceux qui nous manquent. C'est beau cela aussi.
Puis nous revenons dans l'ombre carcérale, là où Ralph rêve de faire évader Bove, dont le coeur s'éteint chaque jour un peu plus... Peut-être est-il était déjà mort depuis longtemps, faisant semblant de vivre...
Comment ne pas aimer aussi ce passage saugrenu qui évoque les chats qui fréquentent désormais l'ancien quartier des condamnés à mort, personne n'y vient plus. Ils sont abandonnés à eux-mêmes. On entend leur miaulement déchirer la nuit... Il y a presque un côté fantastique dans ces pages.
Et puis il y a une phrase lancinante qui traverse ce livre tout au long de ces pages : y-a-t-il une vie avant la mort ?
J'ai rencontré ici un roman d'une profonde humanité, façonné de désir, de douleur d'émotion. Un roman au bord de la folie...
Un roman qui porte à merveille l'empreinte de René Frégni.
Commenter  J’apprécie          499



Ont apprécié cette critique (44)voir plus




{* *}