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Critique de Laureneb


« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs... », J. Chirac, 2002.
L'année 2022 semble nous forcer à regarder en face la réalité du changement climatique : méga-feux, sécheresse des cours d'eaux, fonte des glaciers, succession de vagues de chaleur, températures records, moussons déréglées et dévastatrices au Pakistan, Secrétaire Général de l'ONU parlant de « suicide collectif » face à notre inaction...
L'histoire nous apprend cependant, à travers les recherches et le travail de Jean-Baptiste Fressoz et de Fabien Locher, que, si nous avons longtemps « regardé ailleurs », c'est parce que la science nous a incité à le faire. le but de leur ouvrage est ainsi de montrer que les savants et les scientifiques de l'Epoque Moderne à nos jours sont très nombreux à avoir réfléchi sur le climat, ils ont longtemps nié l'action de l'homme sur le climat, ou la minimisaient, ou, au contraire, y voyaient le signe d'un progrès. Il fallait se rendre « maîtres et possesseurs de la nature » pour reprendre les mots de Descartes, domestiquer le climat pour le modeler selon ses besoins.
Or, cette histoire des sciences est également très politique : les savants sont liés aux politiques, ou du moins s'inscrivent dans le débat politique de leur temps, et cela influence leurs recherches et leurs conclusions. Ainsi, la Révolution veut régénérer la nature française comme elle a régénéré son gouvernement, nature corrompue, souillée et dégradée par l'Ancien Régime. A la Restauration, un grand débat a lieu en France sur le sort des forêts : doivent-elles être vendues pour en tirer du profit et donc éponger les dettes des guerres révolutionnaires et impériales, ou sauvegarder pour être exploitées avec contrôle pour la marine de guerre et l'industrie, tout en permettant de garantir un climat sain, humide mais pas trop chaud, propre à l'agriculture et au développement de la population ? de même, les administrateurs des empires coloniaux, Britanniques et Français notamment, regardent avec un mépris raciste les sécheresses en Inde et en Afrique, dues selon eux aux mauvais entretien des forêts par les « indigènes », coupables de déboisements incontrôlés.
Oui, le climat est politique. Certains scientifiques semblent constater un réchauffement, mais ils l'interprètent de façon positive : si les températures montent, la population ne souffrira plus des vagues de froids des hivers rigoureux ou des catastrophes comme l'explosion du volcan Tambora en 1815 qui cause « l'année sans été ». Et progressivement, cette thématique disparaît du champ du savoir à la fin du XIX ème siècle : les incidents météorologiques et climatiques deviennent prévisibles avec des modèles et des calculs, et les effets d'une sécheresse ou d'une inondation sont combattus avec les progrès des transports – en cas de pénurie dans une région, le train permet d'amener la nourriture ailleurs.
Ce n'est qu'à partir des années 50 que les scientifiques font de réels progrès, qui font aujourd'hui consensus, mais il a fallu pour cela un travail long, mobilisant de nombreux moyens humains, technologiques et informatiques pour réaliser les mesures d'observations, les calculs...
On ne regardait pas, parce qu'on nous avait dit qu'il n'y avait rien à regarder...
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