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Critique de aleatoire


Au-delà du Principe de plaisir

Le Principe de plaisir serait une sorte de régulateur automatique des processus psychiques liés à la circulation, l'évaluation relative et les transformations d'énergie pulsionnelle, en même temps qu'un principe organisateur de fonctionnement selon lequel l'individu ne tendrait qu'à la satisfaction par l'évacuation des quantités d'excitation qui affluent dans son appareil psychique (plaisir de décharge de ces tensions). le déplaisir correspond donc à une élévation de ces quantités, le plaisir à une diminution. L'appareil psychique cherche à maintenir aussi basse que possible la quantité d'excitation présente en lui dans une espèce de "principe de constance".

Il existe cependant des forces qui s'opposent à cette tendance au plaisir :
La principale de ces inhibitions réside dans "l'ordre" sous l'influence des pulsions d'auto-conservations du "moi" ; le "principe de plaisir" est alors relayé par le "principe de réalité" qui, plutôt qu'un renoncement introduit un ajournement à cette satisfaction et une tolérance provisoire à la non-satisfaction "sur le long chemin détourné qui mène au plaisir". Toutefois, le "principe de plaisir reste par excellence le mode de travail des pulsions sexuelles et déborde parfois le "principe de réalité".

Freud, relate l'événement connu du très jeune garçon se livrant au "fort-da" et qui ne répète dans son jeu une impression désagréable que parce qu'un gain de plaisir d'un autre ordre est lié à cette répétition dans laquelle il met en scène la disparition maternelle maîtrisée par la répétition ludique (et peut-être aussi dominatrice ou vengeresse).
Ainsi, se profile déjà l'idée que l"au-delà du principe de plaisir" s'exprimerait dans la compulsion de répétition".
L'auteur en définit alors le caractère pulsionnel comme poussée inhérente à l'organisme vivant vers le rétablissement d'un état antérieur qui a dû être abandonné sous l'influence perturbatrice de forces extérieures. Elle serait une sorte d'élasticité organique ou encore l'expression de l'inertie dans cette vie organique.

Notons dès lors la nature fondamentalement conservatrice du vivant : des phénomènes de l'hérédité, faits de l'embryologie sont avancés comme preuve de compulsions de répétition organique, conservatrices, dirigées vers la régression.
Le vivant n'est pas exterminé par des forces extérieures mais cherche à atteindre un état originel, faire retour à l'anorganique, aller à la mort par un mouvement intérieur, la mort comme but de toute vie. L'instinct de conservation n'étant plus que la tentative de l'organisme pour défendre sa manière propre de mourir.
Dans le corps humain, seules les cellules germinales, s'apparentant au groupe des pulsions sexuelles, bien que conservatrices comme les autres, préservent la vie un certain temps avec leur potentiel de dispositions héréditaires. On assiste à une espèce de dualisme entre des pulsions régressives et d'autres qui tendent vers un état nouveau, sans qu'aucun stade de développement puisse être considéré comme supérieur à un autre, d'autant plus qu'une avancée dans un domaine est souvent compensée par l'apparition de formes rétrogrades.
Une idée ressort qu'une tendance à la régression domine la vie organique, tandis que celle d'un développement adaptatif (darwinien?) ne s'animerait que sous l'effet d'excitations externes.
On se trouve en opposition avec l'idée nietzschéenne de "surhomme". La pulsion refoulée ne cesse pourtant de tendre vers une satisfaction complète qui consiste en la répétition d'une satisfaction primaire.

Selon Freud, la différence entre le plaisir de satisfaction demandé et celui obtenu serait celui que presse, du moins les plus exigeants d'entre-nous, vers des situations non établies une motion de perfectionnement en une sorte d'injonction à l'intelligence.

Mais y-a-t-il une issue à cette fuite en avant, à cette situation duale où les pulsions du moi face aux pulsions sexuelles deviennent pulsions de mort contre pulsions de vie, au travers de la fameuse "lutte de géants" entre Eros et Thanatos ?

Ainsi donc, "les pulsions du moi" poussent vers la mort en une énergie muette ; par leur caractère conservateur et régressif, elles correspondent à une "compulsion de répétition". Par cela, elles s'opposent aux "pulsions sexuelles" qui incitent à la continuation de la vie dont elles sont la "clameur" et qui reproduisent des états primitifs de l'être vivant tendant toujours vers ce but : la fusion de deux cellules germinales différenciées de façon déterminée.
Ces cellules se comporteraient de façon narcissique : un individu maintient sa libido dans le moi sans rien en dépenser dans des investissements d'objet. Elles ont besoin pour elles-mêmes de leur libido pour l'activité constructive qu'elles auront à exercer. Les cellules des formations malignes pourraient être définies comme narcissiques dans le même sens.
Le processus vital d'un individu conduit à l'égalisation des tensions internes c'est à dire, paradoxalement et à l'extrême jusqu'à la mort. A l'opposé, l'union à une substance hétérogène augmente ces tensions, introduisant de nouvelles différences vitales qui devront encore être réduites par les mêmes principes de vie.

Freud insiste sur le côté paradoxal de ces pulsions de vie perturbatrices, contrairement aux pulsions de mort, calmes, linéaires discrètes ; ainsi, le principe de plaisir qui recherche la constance, se trouve-t-il être au service des pulsions de mort, dans sa quête à désirer l'appareil psychique avec un minimum d'excitations, voire sans aucune, c'est à dire (idéalement...) en état létal.

Dans cet Au-delà, écrit "au début de la vieillesse", Freud introduit les concepts de compulsion de constance et de répétition ; il y présente le profond désir d'ordre, de régression de tout ce qui vit et de tout ce que l'activité biologique, matérielle, intellectuelle, affective, subit de doute, de négation, d'opposition, de désir de retour à l'initial, de destruction : c'est la pulsion de mort.

Comment ne pas souligner l'importance que Freud accorde déjà à la neurobiologie et ce parallélisme étonnant qu'il établit entre l'intense activité cellulaire qu'il décrit comme parfois hésitante, anarchique, régressive, déterminée, suicidaire (apoptose), vitale, reproductrice (fusion objectale) avec les conduites (psychologiques, affectives) humaines ?

L'au-delà du Principe de plaisir appelle enfin celui de réalité, issu de la fonction de conscience. Si le principe de plaisir est la voie instinctuelle, courte, aisée, droite, active, le principe de réalité serait le chemin des détours, celui des choix, des renoncements, des objets perdus (à commencer par le sein maternel), des deuils...
En cela, la réalité serait la valeur corrective du principe de plaisir, un évitement provisoire avant que d'en devenir, inéluctablement, la forme modifiée.
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