AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Osmanthe


En lisière du village de Mukômura, dans une zone montagneuse du Japon, vivent sous le même toit O Rin, bientôt 70 ans, son fils unique Tappei et ses quatre enfants. La matriarche est veuve depuis 20 ans, et son fils a lui-même perdu sa femme l'année passée. Il est temps pour lui de trouver une nouvelle compagne, d'autant qu'à 70 ans il est de tradition de faire le pèlerinage de Narayama, la montagne aux chênes. Dans la communauté villageoise, on use beaucoup pour communiquer de chansons, qui ont un peu le caractère de légendes, de proverbes, mais aussi de railleries. Ces chansons sont ancrées en chacun et font culture. Mais le climat permanent est à la tension sur la nourriture, il faut faire très attention à ne pas gaspiller dans ce pays où l'on vénère le riz, « Messire le hagi blanc ». Et voilà que cela suscite une chanson moqueuse envers la vieille O Rin, pointant sa dentition plus que complète à son âge et qui doit sûrement lui permettre de bien manger ! c'est vrai qu'elle est encore très bien pourvue et s'en trouve honteuse...alors elle va finir par s'en casser quelques-unes exprès. Pire, on découvre bientôt qu'une famille, celle du vieux Mata-yan, a des réserves de patates bien au-delà de ses capacités de culture…Suspect et pas bien vu...C'est qu'ils sont allés les voler au voisinage ! En guise de punition, tout le monde pourra se partager le butin. La famille d'O Rin en rapporte un peu, et la vieille est séduite par sa nouvelle bru, Tama-yan, qui a l'air « bien honnête » … Pourtant, une surprise la fait vite déchanter : voilà-t'y-pas que son petit fils Kesakichi lui ramène une femme, Matsu-yan. Pas de chance, Celle-ci est gourmande et pas gênée, et en plus son ventre s'arrondit bientôt d'un futur bébé ! Avec toutes ces bouches à nourrir, O Rin est plus que jamais décidée à faire le pèlerinage de Narayama, un voyage sans retour. Tappei gravira la montagne enneigée, portant sa mère à son dos. Avant de redescendre seul pour la maison, il la déposera au sommet , au milieu d'une masse d'ossements humains et de cadavres qui font le bonheur de très nombreux corbeaux…Au passage, il observera de loin la triste fin de Mata-yan, dont le sort sera réglé par son propre fils et les corbeaux.

On passe un bon moment avec ce roman original car inclassable. Court et plaisant, il se lit d'une traite, même s'il exige un petit effort de concentration pour bien comprendre la signification des courtes chansons, dont l'auteur nous explique le sens dans un style aux tournures qui font anciennes en français, ce style étant très probablement un rendu fidèle de la tournure adoptée par l'auteur en japonais. Fukazawa crée un monde de toutes pièces (Narayama n'existe pas), pour y installer son histoire aux allures de conte, de conte musical, avec une sorte de morale, opposant son personnage d'O Rin, très bienveillante avec son esprit de sacrifice, au cupide et égoïste Mata-Yan. Symboliquement, la pureté blanche immaculée de la neige pour O Rin est opposée à la noirceur inquiétante des corbeaux pour Mata-yan, ce qui évoque un thème tiré de la tradition du bouddhisme. le traducteur Bernard Frank, dans sa présentation, considère que « Fukazawa pourrait bien avoir dégagé, en ce qui concerne le Japon (…) un sentiment très ancien de la vie, de la mort, de la nature où tout se fond. »
Ce livre a eu un succès retentissant au Japon à sa parution en 1956, et l'auteur jusqu'alors inconnu a suscité l'admiration des Tanizaki et autre Mishima, avant d'être adapté au cinéma.
Commenter  J’apprécie          356



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}