La prison, c’est horrible à partir du moment où t’es en prison. Et je le dis : quand tu seras à l’intérieur, tu auras tellement la rage que tu voudras que ça ne recommence jamais
Ma mère est morte un jour de mai.
Ce jour-là, après l’école, avec mes frères et sœur, on avait traîné comme d’habitude, pour trouver la maison vide en rentrant. Il lui arrivait souvent de travailler jusqu’au soir, mais aux alentours de vingt-trois heures, je ne sais pas pourquoi, j’ai commencé à avoir un sale goût dans la bouche. Tard dans la soirée, on a sonné à la porte, et le studio s’est aussitôt rempli de flics et de pompiers.
On nous a conduits à la Ddass de Denfert-Rochereau, pour nous annoncer que ma mère et son fiancé avaient eu un accident de voiture. Le lendemain, après une courte nuit dans un lit qui n’était pas le mien, entouré de tronches que je ne connaissais pas, et le petit déjeuner, une bonne sœur est venue nous dire que nous avions de la visite. Ma grand-mère était montée de Lyon pour nous annoncer que maman était décédée. Je crois que c’est à cet instant-là que le monde m’a perdu. J’ai tellement pleuré que mon cœur a fondu.
Nous ne la revîmes jamais, et personne ne sait plus où précisément, elle est enterrée au Cameroun, car plus tard mon géniteur vola la pierre tombale. Depuis, aucun de nous n’a pu se recueillir sur la tombe de maman. C’est arrivé il y a plus de trente ans, et il ne se passe pas un jour sans que je pense à elle, sans que je demande, sans que je supplie : « Je vous en prie, rendez-la moi. »
Quand j'étais môme, mon rêve, c'était de faire "L'école des fans", avec Dédé Balavoine, par exemple. Bien habillé dans mon petit costume, maman m'aurait lancé des bisous depuis sa place et peut-être que ma vie aurait été autrement. J'ai toujours aimé la chanson populaire, j'ai grandi avec la radio allumée dans la cuisine. Renaud, Michel Delpech, Carlos, Alain Barrière, Jules Vignot, Yves Duteil et Hugues Aufray sont comme des petits cailloux dans ma vie de petit poucet. Au mois de mai 1977, Laurent Voulzy sortait "Rock Collection", et ma maman disparaissait. Je ne peux jamais entendre cette chanson sans avoir mal au ventre.
Le truc c’est qu’ils m’ont mis en cellule avec José, et José a 36 piges et j’en ai 18. Et vu que lui était là pour braquo, les bureaux de poste, les machins comme ça, on se prend d’affinités. Lui me raconte sa vie, les Antilles, ses machins, et moi je lui raconte mes conneries, et là il me dit : “ Franchement, t’es un blaireau ! Ouais, ça rapporte à ton niveau mais [...] tu prends tellement de risques que tu pourrais les prendre autrement
La douleur, indicible, me marque à vie. Tout est parti en couille en l’espace de quelques jours. La famille, la maison, tout ça ne veut plus rien dire, je n’avais tout simplement plus rien à foutre de rien.
Quant au rap, je m'étais toujours rendu aux concerts uniquement pour foutre la merde. Je m'en branlais des gus sur scène. Je n'étais pas fan de leur musique. Tout comme je me tape et me branle toujours des problèmes des cités. Il ne faut rien attendre de personne; s'égosiller sur sa condition ne servira jamais à rien. Si les raclos, petits businessmen de cités, ne sont pas contents de leur sort, qu'ils bougent de leurs quartiers poubelles et qu'ils arrêtent de chialer, parce qu'ils en ont les moyens, contrairement à d'autres. Il ne faut pas compter sur moi pour être le grand frère de qui que ce soit. Quand j'ai voulu une vie meilleure, je suis allé la chercher, j'ai fait ce qu'il fallait.