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Critique de nadejda


«Nous étions plusieurs à nous être réfugiés là, dans ce petit coin où nous pensions pouvoir être oubliés, et nous restions écroulés sur le velours, dans un luxe bizarre de cristaux et d'appliques, nous protégeant, derrière une tenture à emblèmes -- elle-même détachée de ses embrasses et à peu près effondrée --, d'un excès de fumée et de mauvais disques, espérant l'incident qui nous donnerait la force de nous éloigner, ou attendant peut-être, qu'on nous annonçât une lueur sur la mer.»
Paul Gadenne dès la première phrase de cette courte nouvelle qu'est Baleine nous introduit dans un groupe d'endormis (nous tous peut-être...) qui vivent en vase clos, affalés, se voulant protégés de possibles intrusions extérieures par un confort factice. le désordre, «la lueur» susceptible de peut-être les réveiller va s'incarner dans une voix, celle de la veuve du «Capitaine» annonçant qu'une baleine, pas n'importe quelle baleine, une baleine blanche «une masse blanche qui brillait comme une carrière de marbre» s'est échouée sur la plage.
Ce cadavre, cette masse de chair animale en les confrontant à la beauté et la décomposition peut-elle suffire à les réveiller de leur torpeur, les faire se lever ?
Seul deux d'entre eux répondront à l'appel de la baleine blanche. le narrateur, Pierre, et Odile sa compagne vont aller ensemble à sa rencontre.
Ce cadavre de baleine va les confronter à la mort et leur redonner vie. Il va réunir toutes leurs questions, leurs aspirations les plus triviales et les plus nobles ; et toute la vie dans son horreur et sa beauté qui du chaos peut renaître :
«L'animal tout entier nous mettait ainsi à l'épreuve. Car son aspect était celui de la pierre : c'était un hypogée dont le marbre aurait eu des tendresses de fleur.

«Il était vain d'espérer découvrir encore, sous ces taches suspectes, sous ses nuancements délicats, la dépouille d'une idée. La plus vile rejoignait ici la plus noble entreprise. L'esprit fondait en eau. Un immense, un unique scintillement se préparait, un silence unique, --celui des pôles.»

« Tout ce qu'on aurait pu dire de la baleine, tout ce que la science ou l'histoire auraient pu nous apprendre, ne nous aurait rien appris. Car la seule chose que nous voulions savoir, c'était ce secret enfoui, ce mot de la création qu'elle représentait.»

Ecriture dense, d'une grande pureté où chaque mot compte et qui nous fait nous interroger, contempler des abîmes et atteindre des sommets où en quelques pages les contraires s'unissent. Un petit texte inépuisable.

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