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Critique de Bidoudoume


Le combat des salariés de l'usine de montres LIP est désormais raconté en vignettes noir et blanc. le récit est minutieux, fidèle au déroulement des événements et au décor des années 1970. En témoignent les agréables dessins des rues et panoramas de Besançon, que mon oeil de vagabond bisontin contemple et acquiesce d'un soupçon de fierté.

Les événements des années 1973 à 1974 sont retranscrits dans leurs grandes lignes: l'esprit de combat social, les rêves, les mécanismes de la lutte, les prises d'otages, l'autogestion, la solidarité des salariés, les CRS. La fermeture définitive de l'entreprise en 1976 n'est pas traitée puisque le récit se termine en mars 1974. Toutefois, "LIP, des héros ordinaires" est un docu-fiction. Nous vivons les événements à travers le personnage fictif de Solange et son récit en tant qu'ouvrière chez LIP. Sa participation au mouvement se heurte à son mari, un médecin hostile au mouvement de grève et aux "gauchistes". le choix de ce personnage fictif peut être effectivement judicieux, car il soulève d'autres thématiques de l'ordre du couple et de la place de la femme, bien présente par ailleurs dans le décor des LIP. Il permet aussi de découvrir la naissance d'une conviction politique et d'un engagement public chez une ouvrière que le débat politique laissait indifférente jusque là.

De cette fiction découlent cependant des relations humaines parfaitement lisses. Il est indéniable que le combat des LIP a fait se rapprocher les ouvriers entre eux et a créé une solidarité que cette BD illustre correctement. Mais l'ouvrage idéalise les réalités de ces contacts humains. L'unique querelle qui apparaît est d'ordre syndicale; seule une forte solidarité humaine transparaît derrière ces planches. L'univers ainsi créé autour de ces hommes et de ces femmes, des "LIP", devient donc fictif. L'amitié y est forcément simple (voire simplet) et immédiatement intime. Solange y trouve l'amour idéal. Elle se découvre même une vocation d'artiste photographe et un avenir béni. Des relations enfants/parents fluides, des vacances à la mer, des voisins parfaits, des solutions à tout problème matériel. Une suite d'événements vécus par Solange aussi heureux qu'improbables qui forment presque une trajectoire de conte de fées. Ce biais pour lequel a opté le scénariste Laurent Galandon occulte les réalités sociales et les conflits humains sollicités par le mouvement de lutte. La vie de famille durant la grève a été fortement mise à contribution et est totalement écartée ici pour laisser place à une osmose sociale quasi-parfaite. Les questions houleuses à l'intérieur de la lutte ne sont pas traitées ici, comme par exemple les questions de répartition des premiers salaires après le succès des ventes en autogestion.

Au final, Besançon est agréablement parcourue et la voix des LIP est portée une fois de plus ici. "LIP, des héros ordinaires" est un ouvrage jovial. le personnage fictif semblait pourtant être un choix pertinent mais présente un visage bien trop éclairé par un parcours semé de bonheur et une cohésion humaine utopiste. Les évènements de 1973-1976 regorgent de rêves, d'espoir, de réalités humaines qui n'avaient à mon sens pas besoin d'être mis en image par un personnage à qui tout sourit de manière limpide. C'en est presque maladroit. Pour une approche profonde, juste et complète sur les plans humains et historiques, préférez le film de Christian Rouaud "Les LIP, l'imagination au pouvoir".
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