Conversation avec Suzanne B. Je me félicite de ce qu’il n’y ait pas de fusils en France et de ce que jusque-là on n’ait tiré aucun coup de feu. Elle pense elle, que des fusils il y en a et que les armes distribuées par la police en 1961, lorsqu'on craignait un coup d’état militaire, n’ont jamais été reprises. Or, dans mes notes de l’époque, je lis que les gens sont restés toute la nuit devant les commissariats parce que les policiers hésitaient à leur donner des armes, sachant bien qu’ils ne les récupéreraient jamais ; de nombreuses personnes sont allées courageusement à Orly (comme M. Debré les avait exhortées à le faire) sans arme ; les maires des banlieues ouvrières, leur poitrine barrée de leur échappe bleue-blanc-rouge, avec leurs médailles de guerre comme seule défense. Lorsque j’ai vu les mêmes à la manifestation du 13 mai, j’avais les larmes aux yeux, en me souvenant de 1961.
166 - [Rivages poche n° 246, p. 126]