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Critique de Isacom


Dans ma quête des vieux Nobel, j'ai cherché John Galsworthy (Nobélisé en 1932, mort en 1933 : il n'en aura pas profité longtemps, le pauvre.)
Mon premier réflexe a été de me tourner vers la médiathèque municipale. Elle recèle bien des trésors (dont le Nobel 1902, Mommsen, que j'ai pu lire dans l'édition de 1892, posée sur un coussin de velours rouge). Mais de Galsworthy, point, à part un opus de 800 pages en anglais "à consulter sur place".
Deuxième option : la librairie solidaire, où l'on offre les livres dont on veut se séparer, et qui les revend à prix modique pour financer un projet en direction des personnes handicapées.
Point de Galsworthy là non plus.
Si les livres offerts sont en trop mauvais état, ou trop insignifiants pour les revendre même à un euro, ils sont placés à l'extérieur dans une boîte à livres ouverte à tout venant.
Et je vous le donne en mille : eh bien oui, c'est dans la boîte à livres que j'ai trouvé deux oeuvres de Galsworthy.
Sic transit gloria mundi, n'est-ce pas.
Bref, je commence "Aux aguets". C'est le deuxième tome d'une série, je m'attendais donc à ne pas tout saisir du premier coup. Mais dès les trois premières pages, apparaît une telle foule de personnages que je me suis dit : "Aïe, ça risque d'être éprouvant".
Mais bon, j'avais mon Nobel sous la main, je me suis dit Advienne que pourra (j'aime bien me dire à moi-même ce genre d'expressions surannées) et j'ai poursuivi. Et bien m'en a pris.
Nous sommes à Londres fin 19ème, dans la richissime famille Forsyte. L'aîné des héritiers, Soames, déjà plus tout jeune et sans enfant, court après son ex-femme : dans un premier temps pour obtenir le divorce ; dans un second temps, l'ayant revue et ré-évaluée, pour la reconquérir.
Cette quête n'est que prétexte à dévoiler les aspects les plus ténébreux de la mentalité Forsyte, cette mentalité "de propriétaire" qui leur a permis de bâtir leur immense fortune, mais les rend incapables des sentiments humains les plus basiques.
"La tante Juley était sûre que le cher petit Val était très intelligent. "Je me rappelle toujours, ajouta-t-elle, la façon dont il se défit d'une pièce de deux sous fausse en la donnant à un mendiant. Son cher grand-père était si content. Il trouvait que cela révélait tant de présence d'esprit."
Tout cela est raconté avec une jubilante férocité, un humour noir que pour ma part j'ai beaucoup aimé.
De surcroît, on est dans un Londres où "Il prit pour aller à la Cité un des taxis automobiles qui venaient de faire leur apparition (…) le taxi passait maintenant devant des villas, à vive allure. "Vingt-cinq à l'heure au moins ! se dit-il ; avec cela les gens ne continueront pas à demeurer en ville".
Quelle prémonition de la péri-urbanisation !
Et la période est celle où débute la seconde guerre des Boers, que Jolyon, l'héritier devenu peintre et bien plus sympathique que son cousin, analyse ainsi : "La guerre ! (...) Une fameuse guerre ! La domination des peuples et des femmes ! Des tentatives pour maîtriser et posséder ceux qui ne voulaient pas de vous ! La négation de toute aimable décence !"
Lisez Galsworthy, c'est magnifique.
Traduction de R. Pruvost.
Challenge Nobel
LC thématique juin 2023 : "L'auteur est un homme"
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