AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ode


Peut-on dire de certains livres qu'ils s'apprivoisent ? Ce fut le cas de "Dans la main du diable"... Sur les 1288 pages (!) du format poche, il m'a bien fallu 500 pages pour m'acclimater au style particulier d'Anne-Marie Garat (lisant d'autres livres entre-temps, survolant des paragraphes entiers pour ne lire que les dialogues...) avant d'être captivée par le destin des personnages et de savourer des passages d'une beauté inouïe. Ceci dit, un texte trois fois moins long n'aurait pas dénaturé l'intrigue.

On est à Paris en 1913. La jeune Gabrielle Demachy, orpheline d'origine hongroise, est bouleversée d'apprendre que son cousin et amour de jeunesse, Endre, est mort en Birmanie dans des circonstances indéterminées. Par l'entremise d'un fonctionnaire du ministère de la Guerre, elle va mener discrètement son enquête en entrant comme institutrice au service de la puissante famille Bertin-Galay dont le fils, Pierre, scientifique de renom, a côtoyé Endre en Orient...

L'écriture d'Anne-Marie Garat n'est ni maladroite, ni désagréable : elle est infiniment détaillée. Alors que d'autres auteurs bien connus pour leurs longues phrases utilisent le détail pour exprimer les sentiments au plus juste, Anne-Marie Garat s'en sert pour illustrer la même idée de plusieurs manières différentes. S'ajoute à cela l'emploi surprenant de l'imparfait à la place du passé simple dans les actions, ce qui fige le récit. Et il faut aussi compter la double narration des événements principaux, décrits une première fois sur le vif, puis remémorés par les personnages. Tant de redondances, de lenteur, de fioritures dans la sensibilité, procèdent d'un luxe presque oublié : celui de prendre son temps.

Pourtant, j'ai eu envie de connaître l'issue ce jeu de piste aux apparences trompeuses. Enfin, pas si trompeuses que ça car le méchant est identifiable très tôt, comme l'idylle qui va naître entre Gabrielle et l'énigmatique Dr Pierre Galay. Et ne cherchez pas d'élément fantastique ou ésotérique : le diable du titre figure la méchanceté ordinaire de l'homme dans son pouvoir de domination, sur fond d'espionnage militaire et de développement d'armes biologiques – alors que se profile le spectre de la guerre.

Le point fort de ce roman est de nous immerger dans le quotidien du début du XXe siècle à Paris, à la campagne, à Venise aussi, des bas quartiers jusqu'aux demeures huppées. de nous faire percevoir de l'intérieur les remous politiques et artistiques de l'époque (la musique de Saint-Saëns, les débuts du cinématographe...), ainsi que ses découvertes scientifiques et médicales.
Surtout, on y trouve de magnifiques portraits de femmes, chacune battante dans son domaine : Gabrielle, si obstinée dans sa quête de vérité, son amie la pianiste Dora, vive et indépendante, la vieille Mme Mathilde qui dirige la biscuiterie Bertin-Galay d'une main de fer à la place de son mari, ou sa fille Sophie, prête à tout pour conquérir sa liberté...

Finalement, je ne regrette pas les trésors de patience déployés pour arriver au bout de cette « symphonie luxueuse ».
Commenter  J’apprécie          460



Ont apprécié cette critique (42)voir plus




{* *}