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Critique de 5Arabella


Il s'agit d'un drame en trois actes, écrit en 1936, c'est à dire l'année de la mort de Garcia Lorca, qui sera créé en 1945 en Argentine. Il s'agirait de la dernière pièce achevée de l'auteur. Elle est régulièrement jouée depuis, et elle a récemment inspiré un opéra de Miquel Ortega, donné pour la première fois en 2018 au Teatro de la Zarzuela à Madrid, après avoir déjà été adaptée par Aribert Reimann en 2000.

Nous sommes dans un village espagnol dans les années 30. le deuxième mari de Bernarda Alba est enterré aujourd'hui. Cette femme de 60 ans règne d'une main de fer sur sa maisonnée, composée de ses cinq filles, de sa mère, et des domestiques, dont Poncia, la plus proche d'elle, qui espionne pour son compte. Bernarda décide d'imposer à la maisonnée un deuil de 8 ans, pendant lequel il ne s'agira pas de sortir ni de faire rentrer l'extérieur dans la maison. Ce qui condamne ses filles à ne pas se marier. Toutes, sauf une : l'aînée, Angustias, issue d'un premier mariage, à qui son père a laissé des biens, est courtisée, malgré ses 39 ans et son peu d'attraits, par Pepe Romano, un séduisant jeune homme de 25 ans. Bernarda accepte l'idée de ce mariage. Mais il provoque des jalousies et envies chez les soeurs d'Angustias, en particulier chez la plus jeune, Adela, qui est très attirée par Pepe, à qui elle plaît également, mais elle n'a pas de dote. Dans l'enferment de la maison, un drame domestique se joue, sous le règne impitoyable de Bernarda.

Nous sommes dans un univers violent, destructeur, dans lequel il s'agit de nier le désir et l'épanouissement de ces femmes, au nom de valeurs ancestrales. C'est assez paradoxal, dans une pièce où il n'y a que des femmes, mais c'est au nom d'une forme de patriarcat que ces femmes sont condamnées à la réclusion, à la négation d'elles-mêmes, et en premier de leur sexualité. C'est une femme qui impose les contraintes, et qui pose les interdits, en s'appropriant en quelque sorte l'autorité masculine, en puisant une jouissance morbide à opprimer et à nier la féminité de ses filles, qui doivent s'étioler, jusqu'au moment où partir ne pourra plus être une véritable libération, mais juste un simulacre, comme pour Angustias. La seule qui ose s'opposer à ce diktat est Adela, qui du haut de ses 20 ans brave sa mère et ses soeurs, tous les interdits, jusqu'à trouver une issue qui lui permet de s'échapper, même si c'est dans la mort.

Une pièce sombre, épurée, qui fait un constat terrible de la condition des femmes à l'époque, et au-delà sur la société espagnole dans son ensemble. L'enferment, la négation de soi, la violence et l'oppression semblent être les règles incontournables de ce monde, au nom de valeurs religieuses, d'une hiérarchie des sexes, des générations, rigides et impitoyables.
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