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Critique de Fleitour


Si l'auteur de ce roman au titre si énigmatique "Les oiseaux morts de l'Amérique" nous plonge dans les méandres de la mémoire, il nous pousse aussi dans les bas-fonds de la vie, dans la pénombre souterraine d'une ville de lumière Las Vegas.
Pour mieux nous piéger, Christian Garcin navigue entre l'ombre et le clair-obscur, "cet amalgame d'odeurs écœurantes et sucrées qui l'agrippaient aux narines et à la gorge, lui donnait une furieuse envie de vomir."


C'est tout un réseau d'égouts et de collecteurs d'eaux de pluie, qui a réuni nos anti-héros du rêve américain ou vous faites fortune, ou vous creusez votre tombe. Hoyt Stapleton, Myers et McMulligan se sont retrouvés dans ce décor de fin du monde à la Ken Loach, où les réseaux souterrains creusaient la ville de part en part, dont beaucoup étaient habités, dessinant un "monde en partie inexploré et secret, une ville bis, comme l'envers du décor" à l'ombre des pagodes de luxe.


Le passage le plus hallucinant raconte le Vietnam des “rats des tunnels”, ces troupes dont la particularité était d'explorer l'immense réseau de galeries, qui s'étendait de Saigon à la frontière cambodgienne et à l'intérieur desquelles les combattants viêt-côngs se réfugiaient.
l'armée américaine avait forgé une unité spéciale. Les membres de cette unité comme Hoyt Stapleton devaient être petits, les tunnels étaient étroits. Comment survivre à cette putain de vie !


Les combattants ne sont plus que des furets que l'on disperse pour faire sortir les taupes ! Que mangent-ils sinon la boue dans un doux mélange de racines sauvages.
"De temps en temps les viêt-côngs sortaient pour décimer les bataillons américains qui entendaient qu'on leur tirait dessus sans savoir d'où cela provenait, et qui, lorsque le tir avait cessé et qu'ils se rendaient sur place, ne trouvaient que feuillages et frondaisons."
Plus de trace des combattants, de nouvelles galeries étaient apparues, puis disparaissaient, les taupes vietnamiennes avaient reflué vers d'autres paysages intérieurs.


Et quand Myers et McMulligan parlaient de leur expérience de marine en Irak, Stapleton constatait que rien n'avait changé. C'était toujours la même merde : des jeunes types utilisés, transformés en assassins, bouffés de trouille, traumatisés à vie.


Une mélancolie intarissable irrigue le propos, Christian Garcin au fil des pages, façonne des personnages ou les blessures peu à peu révèlent des vies brisées, des destinées volées. le lecteur passe de la nuit au jour, comme une métaphore impudique du passé de Hoyt Stapleton. Comment être aussi explicite sur la vie des hommes fissurés ? Des rats.
Las d'être un migrant des sous sols, étranger à lui-même, il part revisiter sa propre enfance, retrouver un ancrage dans la mémoire de ses jeunes années. Il y retrouvera avec mélancolie la douceur comme les manques douloureux d'un môme livré à lui même, et malgré les ombres un bout de son identité confisquée.


Ce récit est dans la ligne des romans de Joyce Carol Oates une plongée cruelle et désespérée dans une Amérique qui déborde de fric et de paillettes. Un pays qui désespère ses minorités et ses marginaux où les riches sont sans aucune empathie pour celui qui n'a reçu qu'un seul talent, et moins encore s'il a caché ce talent en pleine terre (parabole des talents, Luc ) .
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