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EAN : 9782330098445
180 pages
Actes Sud (03/01/2018)
3.66/5   51 notes
Résumé :

Las Vegas. Loin du Strip et de ses averses de fric “ha­bitent” une poignée d’humains rejetés par les courants contraires aux marges de la société, jusque dans les tunnels de canalisation de la ville, aux abords du désert, les pieds dans les détritus de l’histoire, la tête dans les étoiles. Parmi eux, trois vétérans désassortis vivotent dans une relative bonne humeur, une soli­darité tacite, une certaine convivialité minimaliste. Ici, chacun a fait sa guerre ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Si l'auteur de ce roman au titre si énigmatique "Les oiseaux morts de l'Amérique" nous plonge dans les méandres de la mémoire, il nous pousse aussi dans les bas-fonds de la vie, dans la pénombre souterraine d'une ville de lumière Las Vegas.
Pour mieux nous piéger, Christian Garcin navigue entre l'ombre et le clair-obscur, "cet amalgame d'odeurs écœurantes et sucrées qui l'agrippaient aux narines et à la gorge, lui donnait une furieuse envie de vomir."


C'est tout un réseau d'égouts et de collecteurs d'eaux de pluie, qui a réuni nos anti-héros du rêve américain ou vous faites fortune, ou vous creusez votre tombe. Hoyt Stapleton, Myers et McMulligan se sont retrouvés dans ce décor de fin du monde à la Ken Loach, où les réseaux souterrains creusaient la ville de part en part, dont beaucoup étaient habités, dessinant un "monde en partie inexploré et secret, une ville bis, comme l'envers du décor" à l'ombre des pagodes de luxe.


Le passage le plus hallucinant raconte le Vietnam des “rats des tunnels”, ces troupes dont la particularité était d'explorer l'immense réseau de galeries, qui s'étendait de Saigon à la frontière cambodgienne et à l'intérieur desquelles les combattants viêt-côngs se réfugiaient.
l'armée américaine avait forgé une unité spéciale. Les membres de cette unité comme Hoyt Stapleton devaient être petits, les tunnels étaient étroits. Comment survivre à cette putain de vie !


Les combattants ne sont plus que des furets que l'on disperse pour faire sortir les taupes ! Que mangent-ils sinon la boue dans un doux mélange de racines sauvages.
"De temps en temps les viêt-côngs sortaient pour décimer les bataillons américains qui entendaient qu'on leur tirait dessus sans savoir d'où cela provenait, et qui, lorsque le tir avait cessé et qu'ils se rendaient sur place, ne trouvaient que feuillages et frondaisons."
Plus de trace des combattants, de nouvelles galeries étaient apparues, puis disparaissaient, les taupes vietnamiennes avaient reflué vers d'autres paysages intérieurs.


Et quand Myers et McMulligan parlaient de leur expérience de marine en Irak, Stapleton constatait que rien n'avait changé. C'était toujours la même merde : des jeunes types utilisés, transformés en assassins, bouffés de trouille, traumatisés à vie.


Une mélancolie intarissable irrigue le propos, Christian Garcin au fil des pages, façonne des personnages ou les blessures peu à peu révèlent des vies brisées, des destinées volées. le lecteur passe de la nuit au jour, comme une métaphore impudique du passé de Hoyt Stapleton. Comment être aussi explicite sur la vie des hommes fissurés ? Des rats.
Las d'être un migrant des sous sols, étranger à lui-même, il part revisiter sa propre enfance, retrouver un ancrage dans la mémoire de ses jeunes années. Il y retrouvera avec mélancolie la douceur comme les manques douloureux d'un môme livré à lui même, et malgré les ombres un bout de son identité confisquée.


Ce récit est dans la ligne des romans de Joyce Carol Oates une plongée cruelle et désespérée dans une Amérique qui déborde de fric et de paillettes. Un pays qui désespère ses minorités et ses marginaux où les riches sont sans aucune empathie pour celui qui n'a reçu qu'un seul talent, et moins encore s'il a caché ce talent en pleine terre (parabole des talents, Luc ) .
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Dans les grands espaces de l'oubli
Christian Garcin nous entraîne à Las Vegas, mais pour nous montrer l'envers du décor, celui des laissés pour compte qui vivent dans les collecteurs d'eaux usées.

À Las Vegas tout brille, où on entend donner l'illusion que la fortune est à portée de main, où la démesure est la norme, on ressent plus qu'ailleurs la violence du contraste que représente la population sinon invisible, du moins souterraine, celle des laissés pour compte, des sans domicile fixe, des marginaux qui élisent domicile «le long de tout un réseau d'égouts et de collecteurs d'eaux de pluie (…) trois cent vingt kilomètres en tout, des canalisations allant de tuyaux de soixante centimètres de diamètre à des tunnels de trois mètres de haut sur six de large». C'est dans le numéro 7 de cet «envers du décor à l'ombre des lumières et des paillettes clignotantes du Strip» que vivent Hoyt Stapleton, McMulligan, et Myers, tandis qu'à l'autre extrémité un couple, Lottie Mae et Gollum ont élu domicile, si l'on peut dire.
Christian Garcin va s'attacher plus particulièrement à Hoyt qui, ironie de l'histoire, faisait partie d'une unité spéciale de l'armée américaine chargée des tunnels: « Né de père inconnu, Hoyt Stapleton avait en 1966 accompagné les derniers jours de sa mère qu'un cancer foudroyant avait terrassée en moins de trois mois puis, désormais sans famille ni ressources, s'était engagé dans l'armée. Il avait vingt-deux ans. Il était parti au Viêtnam, où il avait été enrôlé parmi les “rats des tunnels”, ces troupes dont la particularité était d'explorer l'immense réseau de galerie: qui, creusée dans les années 1940 pour établir des poches de résistance à l'envahisseur français, s'étendaient de Saigon à la frontière cambodgienne et à l'intérieur desquelles les combattants viêt-côngs se réfugiaient se réfugiaient, sortant de temps en temps pour décimer les bataillons américains qui entendaient qu'on leur tirait dessus sans savoir d'où cela provenait, et qui, lorsque le tir avait cessé et qu'ils se rendaient sur place, ne trouvaient que feuillages et frondaisons, sans trace des combattants qui avaient reflué à l'intérieur. Lorsque l'armée américaine s'était avisée de l'existence de ces galeries, une unité spéciale avait été formée pour l'explorer, puis la détruire. »
Le problème, c'est que Hoyt comme ses compagnons d'infortune sont bien loin de l'image des héros que l'armée aimerait laisser. Ils sont tout au contraire hantés par leur expérience, au Vietnam, en Irak, en Afghanistan ou même à quelques kilomètres de Las Vegas où une base de pilotes de drones atteignent des cibles au Proche et Moyen-Orient. C'est difficile, dur, atroce. Chacun essaie de refouler ses syndromes post-traumatiques en ayant recours à l'alcool, à la drogue ou en fuyant la réalité en se plongeant dans des recueils de poésie, comme le fait Hoyt. Qui entend aussi lire tout ce qui a trait aux voyages dans le temps. Il se lance alors vers le futur mais sans succès probant. Tente alors de revenir dans les années 50, avant que sa mère ne meure, avant que la belle Maureen ne soit plus qu'un souvenir…
« Depuis ses incursions dans le printemps de son enfance, se dit-il en souriant intérieurement, il avait peut-être activé un mécanisme temporel permettant de brefs surgissements d'une réalité dans une autre. Peut-être la scène laquelle il avait assisté la veille, avec cette jeune femme rousse répondant au prénom dc Maureen qui grimpait dans une Toyota verte, n'avait-elle pas eu lieu la veille mais quarante ans plus tôt, et il avait été le seul à la voir le seul qui pû: la voir.
Peut-être alors était-ce vraiment Maureen qu'il avait aperçue, Maureen venue passer un week-end à Las Vegas avec son mari un jour de 1968 ou 1970. Peut-être la ville était-elle à présent truffée d'intersections entre passé et présent, de filons dans la niche temporelle qui ne demandaient qu'à être forés. »
Ce jeu subtil entre poésie, science et science-fiction a quelque chose de fascinant. Et de profondément troublant. Si l'on peut essayer de trouver dans notre passé les éléments qui nous constituent aujourd'hui, quel moyen avons-nous de modifier cette perception. Pouvons-nous devenir quelqu'un d'autre? Si Christian Garcin ne nous livre pas les réponses, il nous plonge des dans abîmes de réflexion vertigineux. le tout culminant dans un épilogue que je vous laisse découvrir.
Après Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds, Christian Garcin poursuit son exploration de cette Amérique aux contrastes saisissants, au rêves auxquels on veut croire même si, comme les bandits manchots des casinos, on sait que le risque de perdre est bien plus fort que la chance de gagner.
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Ils sont l'Amérique des sous-sols face aux éclats de lumière qui scintillent sur Strip. Ils sont ceux dont la société ne sait que faire, ceux qui ont tout perdu après avoir connu les bombes. Ils sont la mémoire que l'Amérique tente d'effacer, eux qui ont combattu pour leur nation, eux qui ont enduré et vu l'horreur dissimulée. Ils sont les héros d'un temps et les oubliés d'aujourd'hui.


Publié par L'ivresse littéraire mars 13, 2018
LES OISEAUX MORTS DE L'AMÉRIQUE DE CHRISTIAN GARCIN : SOUS LES LUMIÈRES DE LAS VEGAS
Les oiseaux morts de l'Amérique
Paru aux éditions Actes Sud - 224 pages

Je ne suis pas une amatrice de romans américains. le peu que j'ai lu ne m'ont jamais trop séduite. Mais lorsqu'il s'agit d'un auteur français qui dépeint l'Amérique, là c'est autre chose. Thomas B. Reverdy m'avait conquise avec Il était une ville, Pierre Ducrozet aussi avec L'invention des corps. Au tour de Christian Garcin de prendre la relève. Autre roman, autre lieu pour un portrait peu reluisant également de l'Amérique.

“ Il se disait qu'il était vieux à présent, soixante-dix ans passés, et qu'il laisserait derrière lui des dizaines de pages de notes et histoires puisées dans ses voyages dans le futur, quelques poèmes qui ne disaient pas grand-chose d'autre que le mouvement des ombres autour et à l'intérieur de lui, et ces carnets de dessins, de bribes de lumières et de formes nettes, découpées, qui traçaient le cadre de ses déambulations diurnes. Alors quoi de mieux que le silence. ”

Hoyt Stapleton est un vétéran de la guerre du Vietnam, plus précisément un ancien « rat des tunnels ». Silencieux mais cultivé, il trouve refuge dans les livres qu'il récupère lorsqu'il se rend au « Blue Angel Motel ». Stapleton vit avec deux autres vétérans - McMulligan et Myers, pour eux c'était l'Irak - aux portes de Las Vegas. Là où les lumières brillent, où le pognon coule à flots, où la fête bat son plein nuit et jour. Peut-être vous direz-vous que c'est pas mal une vie de débauche. Oui mais eux c'est sous terre qu'ils vivent. Dans un collecteur d'eau de pluie, inondé en cas de crue. Loin des strass et des paillettes donc.
Ils sont des centaines à vivre reclus, en marge, dans ces immenses souterrains. Des centaines de SDF à vivre entassés comme des animaux en cage. Alors ils s'entraident le plus souvent, ils partagent, le café mais pas que. Ils sont les exclus d'une société et d'un système entier. Eux qui ont tant donné pour leur pays.
A eux trois, ils réinventent un monde pour contrer la fatalité d'une réalité impensable. A eux trois, ils partagent leurs souvenirs douloureux de ces guerres qui les auront marqués à jamais. Mais Hoyt, contrairement aux autres, a une autre manière de s'échapper de ce quotidien inhumain, il voyage dans l'espace-temps. Et ça fait marrer les gars. Mais passé ou futur, il choisit. le futur ne laissant pas franchement place à un meilleur avenir pour notre monde, il préfère remonter le temps. Revisiter son passé pour ne pas se laisser aller à l'angoisse et la grisaille du présent. Il retourne en enfance, dans la douceur des souvenirs d'une maison chichement entretenue par sa mère. La douceur des souvenirs d'un quartier où la jolie voisine était sa plus tendre amie. Mais remonter ainsi dans une vie passée, est-ce réellement sans conséquences ?

Ils sont l'Amérique des sous-sols face aux éclats de lumière qui scintillent sur Strip. Ils sont ceux dont la société ne sait que faire, ceux qui ont tout perdu après avoir connu les bombes. Ils sont la mémoire que l'Amérique tente d'effacer, eux qui ont combattu pour leur nation, eux qui ont enduré et vu l'horreur dissimulée. Ils sont les héros d'un temps et les oubliés d'aujourd'hui.

“ Lorsque Myers et McMulligan parlaient de leur expérience de marines en Irak, Stapleton constatait que rien n'avait changé. C'était toujours la même merde : des jeunes types utilisés, transformés en assassins bouffés de trouille, traumatisés à vie, qui avaient eu la chance de s'en sortir en un seul morceau et qu'on avait pour certains d'entre eux laissé tomber, sans pension, sans rien. Il se sentait proche d'eux mais depuis quelques temps ne leur parlait plus, ou presque plus. [...] parler reviendrait inévitablement à remettre sur le tapis toujours les mêmes horreurs, les mêmes rancoeurs, à comparer leurs expériences, à aggraver amertume et dépit. A quoi bon. A cela il préférait les vertus du silence, ou de la parole rare. ”

Mais sous la plume sensible de Christian Garcin, ils prennent vie et témoignent de ce qu'ils ont vu, des combats menés et des conséquences sur l'homme. Ceux qui étaient sur le front, ceux qui pilotaient des drones à des milliers de kilomètres de la zone de combat. Ils sont tous là, avec leurs démons, leur violence parfois. le martèlement des idées transmises ancrées au plus profond.
L'auteur nous dépeint une Amérique bien peu reluisante et pourtant il ne juge pas, il constate. Il retranscrit, sans tomber dans le pathos ni même dans l'éloge. Il façonne ses personnages d'une douce mélancolie teintée d'humour. Des personnages d'une tendresse bienveillante à commencer par le vieux Stapleton qui voue un amour à la poésie de William Blake ou John Keats et se prend à redécouvrir les musiques qui ont bercé son enfance.
Et puis dans cette réalité douloureuse, Christian Garcin y incorpore une dimension fantastique en jouant avec ces passerelles temporelles pour adoucir la dure cruauté d'un monde invisible.

Les oiseaux mort de l'Amérique était pour moi le premier roman que je découvrais de l'auteur et je ne regrette absolument pas d'avoir emprunté ces tunnels pour aller à la rencontre de ces laissés pour compte qui furent de très émouvants compagnons de route car derrière les fêlures, au creux de ces lieux sombres, se cachent des coeurs tendres.
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Las Vegas .... pour tous c'est le fric qui s'étale, les casinos, les belles bagnoles et belles nanas, le bling-bling à tous les coins de rue, bref.....une ville superficielle et sans âme qui tous connaissent. C'est ce qu'on y voit en surface : le brillant des dollars qui coulent à flot.
Mais dans ses sous-sols, dans ses immenses collecteurs ou coulent à flot les eaux des orages du désert, vivent ceux qui rejettent tout ce fric, qui rejettent cette société, des parias. Ce sont, pour certains d'anciens soldats ayant combattu au Vietnam ou ailleurs. Ils vivent tous en marge de cette société qui leur a fait perdre leur jeunesse.
Hoyt Stapleton, l'un d'eux, connaît bien ces tunnels, cette vie sous terre. Las-bas, au Vietnam, il était un "rat des tunnels. Il fait partie de ces nombreux hommes traumatisés par cette guerre, incapables de surmonter cette horreur. Il combattait non pas dans la jungle, à l'ombre des forêts, mais dans les commandos sous terre, dans les tunnels creusés par les Viets pour se déplacer sous la jungle, sous le napalm....Il était chargé de les éliminer, au couteau. Cette vie souterraine dans des galeries cimentées de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres de large, ne lui fait pas peur...c'est son monde, même si elle lui rappelle d'horribles souvenirs, ces copains égorgés par dessus lesquels il fallait passer pour avancer...ces tunnels dans lesquels on ne pouvait pas faire demi-tour.
Ici, à Las Vegas, il vit avec d'autres vétérans, tous survivants de l'horreur de la guerre, d'autres guerres. Stapleton est ami avec deux autres vétérans, McMulligan et Myers, qui , quant à eux ont connu l'Irak, ou l'Afghanistan, le désert. Tous trois se sont retrouvé à Las Vegas, vivant entre eux de leurs pensions, aux cotés d'autres américains seuls ou en couple, semi-clodos laissés pour compte par le système ou refusant ce monde de fric. Tous sont des exclus de ce monde moderne, de cette société américaine. Des exclus par choix en ce qui concerne ces vétérans, qui côtoient d'autres exclus de la société, des exclus bien involontaires quant à eux du système.
Alors Hoyt s'évade, en retournant dans le passé, en voyageant vers son enfance, en voyageant par la poésie dans les livres.
Les guerres se suivent, les traumatismes sont identiques :"On devait être une armée de libération et en moins de deux, on est devenu une armée d'occupation, puissante et maladroite, avec des cinglés dans le genre de ton pote qui prenaient leur pied à dézinguer des civils pendant que d'autres devenaient dingues de tant de saloperies..."
Ils ont tout donné, et malgré tout ont été abandonnés à leur sort après leur démobilisation: 'L'Irak, l'Afghanistan, le sort réservé aux prisonniers, Guantanamo....les drones..."
Christian Garcin joue avec ces contrastes, fric et bling-bling d'un côté, hommes meurtris au plus profond d'eux-mêmes de l'autre. Des hommes incapables de comprendre et de s'adapter à ce monde, pour lequel on les a fait combattre, pour lequel certains de leurs amis ont perdu leur vie, pour lequel l'armée leur a tous fait perdre leur âme : "des jeunes types utilisés, transformés en assassins bouffés de trouille, traumatisés à vie, qui avaient eu la chance de s'en sortir en un seul morceau et qu'on avait pour certains d'entre eux laissé tomber, sans pension, sans rien". Dans tous les cas des hommes laissés pour compte, au même titre que ces clodos vivant en marge de cette société dans laquelle l'argent est roi.
Une autre peinture de cette Amérique, de ce fric, de cette société superficielle. Une peinture qu'on nous cache. Une honte de l'Amérique.
Découverte de cet auteur, découverte de ce monde peu médiatisé de ces exclus de l'Amérique.
Belle et sombre découverte.
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Christian Garcin est né en 1959 à Marseille. Jusqu'au début des années 2000 il a exercé diverses activités professionnelles, comme guide-interprète, accompagnateur de voyages ou enseignant de lettres au collège. Un premier ouvrage en 1992, son oeuvre se réparti entre recueils de nouvelles, de poèmes, d'essais sur la peinture et la littérature, de carnets de voyages, de quelques ouvrages en littérature jeunesse et une grosse dizaine de romans comme Les Oiseaux morts de l'Amérique qui vient de paraître.
A Las Vegas, loin de son univers pailleté et clinquant, des hommes vivent de rien dans les tunnels des canaux des égouts de la ville. Parmi eux, trois vétérans de l'armée. Hoyt Stapleton, le plus âgé, septuagénaire, a fait le Vietnam, taciturne il parle peu à ses deux plus jeunes compagnons, Matthew McMulligan et Steven Myers, qui eux ont fait l'Irak. Et tous ont en commun les séquelles du choc post-traumatique causé par la guerre. Pour échapper à sa condition, Hoyt a une recette, il voyage dans le temps…
De prime abord, le début du roman évoque l'univers de Philip K. Dick. Mondes parallèles, paradoxe de Fermi, théories prise de tête… Hoyt voyage dans le temps, il a vu le futur et c'est tellement horrible que désormais il préfère explorer les temps anciens. Stop ! Fausse piste ! Et c'est toute l'inventivité de Christian Garcin qu'il faut louer, car sous couvert de soit disant voyages dans le futur ou le passé, genre machine à explorer le temps, la métaphore cache un travail de réflexion sur la mémoire.
Raconté comme de vraies expéditions dans le passé, Hoyt revient chez lui à l'époque où il était enfant au début des années ‘50, se regarde agir, épie sa mère et revit des évènements de ses jeunes années. Ces visions l'amènent à s'interroger, ses souvenirs sont-ils le reflet de ce qui s'est réellement passé ou, ce passé qu'il revisite est-il le vrai ou bien celui que sa mémoire veut lui faire croire ? Lentement des vérités qu'il croyait avérées vont se diluer pour devenir autres. Enfin, ses « voyages » vont finalement le transporter jusqu'à ses années Vietnam, et là l'écrivain réussit quelques pages d'une intensité dramatique particulièrement dure qui vont faire exploser les digues de la mémoire de Hoyt, une révélation terrible qui le laissera pantelant mais rasséréné.
Un bien beau roman, où le calme du vieil homme est très bien servi par l'écriture bienveillante et mélancolique de l'écrivain. le lecteur qui ne peut que se prendre d'amitié pour Hoyt, le suit avec une curiosité mêlée d'inquiétude, appréciant au passage les références littéraires et poétiques distillées au gré des lectures du héros.

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critiques presse (2)
LaCroix
09 février 2018
« Les oiseaux morts de l’Amérique » de Christian Garcin décrit la quête identitaire d’un vieil homme nostalgique, aux marges de la société américaine.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeFigaro
19 janvier 2018
Dans les zones glauques de Las Vegas, survit une poignée de vétérans de l'armée. Envoûtant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Le temps est une pâtisserie
C'est la conscience qu'on en a: du passé au futur. Maintenant, imagine que tu replies la pâte sur elle-même, une fois, deux fois, dix fois, pour en faire une pâte à millefeuille. Des points initialement très éloignés les uns des autres vont se chevaucher – mais nous, nous continuerons à n'avoir conscience que de la pâte toute simple, étale, que l'on parcourt d'un point A à un point B. Si tu transperces de part en part la pâte ainsi repliée, tu feras se rejoindre entre eux deux. trois, dix points qui au départ étaient très éloignés les uns des autres et qui le demeurent, selon une conception simplement linéaire de la pâte. C'est ce qui s’est passé. Tous les mystiques ne le diront: le temps est plié, mais on n’en a conscience que dans certains états d’illumination, ou de transe. En ce qui te concerne, un point situé aujourd‘hui s’est trouvé en relation avec un autre situé au même endroit quarante ans plus tôt. Tu étais là au bon moment.
Hoyt hocha la tête. Enfin, conclut Myers, c’est ma façon de voir.
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Lorsque Myers et McMulligan parlaient de leur expérience de marines en irak, Stapleton constatait que rien n'avait changé. C'était toujours la même merde : des jeunes types utilisés, transformés en assassins bouffés de trouille, traumatisés à vie, qui avaient eu la chance de s'en sortir en un seul morceau et qu'on avait pour certains d'entre eux laissé tomber, sans pension, sans rien. Il se sentait proche d'eux mais depuis quelque temps ne leur parlait plus, ou presque plus.Non qu'il s'en méfiât, ou qu'il les méprisât. Leurs rapports étaient cordiaux, fondés sur le respect mutuel et l'entraide. Simplement, se disait-il, parler reviendrait inévitablement à remettre sur le tapis toujours les mêmes horreurs, les mêmes rancoeurs, à comparer leurs expériences, à aggraver amertume et dépit. A quoi bon. A cela il préférait les vertus du silence, ou de la parole rare. (p. 15)
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Las Vegas, se disait-il, ou du moins cette partie-là du boulevard, pouvait tenir tout entière dans cet amalgame d’odeurs écœurantes et sucrées qui l’agrippaient aux narines et à la gorge dès qu’il passait devant les portes des gigantesques hôtels-casinos, répliques de New-York, Paris, Louxor ou Venise, avec tour Eiffel, canaux et palais des Doges, Sphinx et pyramide, et lui donnaient une furieuse envie de vomir. Une ou deux fois d’ailleurs il s’était éclipsé dans une rue perpendiculaire – étrange, avait-il noté au tout début, comme il suffisait de quelques mètres pour sortir du décor et atteindre une sorte d’arrière-monde obscur et neutre, gris, banal, alors que tout près le show lumineux et bruyant ne s’interrompait jamais – et avait rendu ses tripes.
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C’était le début de mai. Depuis un mois Hoyt se bornait à visiter le printemps 1950 et avait cessé toute incursion dans le futur. Il y était allé si souvent. Et où qu’il se rendît, quels que soient le siècle ou l’année, c’était toujours la même désolation : catastrophes écologiques, humanitaires, nucléaires, populations déportées, parquées, guerres technologiques incessantes, violences urbaines, renforcement des lois sécuritaires, paysages dévastés, zones urbaines saccagées, inégalités toujours plus criantes, crispations des identités, obscurantisme religieux (…). Il ne voulait plus voir ça.
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Du centre-ville de Las Vegas jusqu’à la périphérie, les voies ferrées désertes, les no man’s land et les échangeurs autoroutiers, tout un réseau d’égouts et de collecteurs d’eaux de pluie creusait la ville de part en part, trois cent vingt kilomètres en tout, des canalisations allant de tuyaux de soixante centimètres de diamètre à des tunnels de trois mètres de haut sur six de large dont beaucoup étaient habités, dessinant un monde souterrain en partie inexploré ct secret, une ville bis, un envers du décor à l’ombre des lumières et des paillettes clignotantes du Strip. La ville ayant été bâtie au milieu d’une cuvette aride, ces collecteurs étaient indispensables en plein désert de Mojave, le plus sec des États-Unis, en raison des flancs pentus des collines et montagnes alentour dont le sol rude et craquelé, quasi vierge de végétation, n’absorbait presque rien des Pluies violentes qui avaient par le passé inondé la Ville à plusieurs reprises.
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