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C'est un roman typiquement américain, bien qu'écrit par notre très français Christian Garcin.

Hoyt Stapleton, le personnage principal, est un drôle de type vivant dans les bas-fonds de Las Vegas, en compagnie de deux acolytes, Mc Mulligan et Myers. Bien loin des paillettes de la ville star, très loin des touristes étrangers, ces hommes ont en commun d'avoir tous connu la guerre : que ce soit au Vietnam pour Hoyt (on découvrira à la fin du roman dans quelles conditions) ou que ce soit l'Irak et sa « guerre du Golfe » ou encore l'Afghanistan : tous ont vécu un profond traumatisme en combattant l'ennemi.

Pour s'en échapper peut-être, Hoyt imagine qu'il est capable de voyager dans le temps. Dans le futur, au début du récit, mais l'avenir n'est guère reluisant (catastrophes climatiques, crises et autres dégâts problématiques en font une planète peu fréquentable), c'est pourquoi il se tourne vers le passé.

Il revisite, tel un fantôme passant inaperçu, des scènes où, dans les années 50, il vivait seul ave sa mère né d'un père inconnu, côtoyant la belle Maureen dont il est secrètement amoureux, et tous les habitants de cette ville où il a vécu au Colorado. Une part de ce son passé rejaillit à chaque « voyage », lui révélant une part de lui-même qu'il avait enfoui au plus profond de sa mémoire.

Ce peut être de petites choses, comme sa mère lui préparant son petit déjeuner, la rue où il habite avec ses voisins pittoresques, ou la mort du chien de Maureen.

Lorsque Holt ne voyage pas dans le passé, il lit. Il faut dit que non loin des tunnels de canalisation où vivent les 3 SDF se trouve un Motel un peu délabré, duquel des touristes de passage délaissent des livres de poche que Danny, son ami gardien du motel, et Holt se partagent. C'est ce motel qui donne l'image de couverture des » Oiseaux morts de l'Amérique » avec sa fée bleue indiquant le chemin de la chance.

La poésie tient une place toute particulière dans le roman, Holt découvrant par exemple l'écriture de William Blake et ses nombreux poèmes qui lui parlent directement et l'aident à affronter les traumatismes.


Car le passé ne passe pas, rien n'à faire, c'est certain, surtout quand il le revisite en voyage, comme ses amis Vétérans revenus traumatisés eux aussi de ces guerres inutiles.

Et puis de mystérieux évènements se déroulent comme une chute d'étranges oiseaux morts qui viennent joncher le sol autour des tunnels de canalisations où vivent les trois amis. Il y est aussi question de musique, on peut par exemple citer Tony Bennett qui vient tout juste de nous quitter pour un autre monde.

On pense au regretté Russel Banks, ou à Raymond Carver et on comprend que Christian Garcin s'est totalement immergé dans la littérature américaine pour écrire un récit, parfois à la limite du fantastique, plein de philosophie et de poésie. Une grande réussite.
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Si l'auteur de ce roman au titre si énigmatique "Les oiseaux morts de l'Amérique" nous plonge dans les méandres de la mémoire, il nous pousse aussi dans les bas-fonds de la vie, dans la pénombre souterraine d'une ville de lumière Las Vegas.
Pour mieux nous piéger, Christian Garcin navigue entre l'ombre et le clair-obscur, "cet amalgame d'odeurs écœurantes et sucrées qui l'agrippaient aux narines et à la gorge, lui donnait une furieuse envie de vomir."


C'est tout un réseau d'égouts et de collecteurs d'eaux de pluie, qui a réuni nos anti-héros du rêve américain ou vous faites fortune, ou vous creusez votre tombe. Hoyt Stapleton, Myers et McMulligan se sont retrouvés dans ce décor de fin du monde à la Ken Loach, où les réseaux souterrains creusaient la ville de part en part, dont beaucoup étaient habités, dessinant un "monde en partie inexploré et secret, une ville bis, comme l'envers du décor" à l'ombre des pagodes de luxe.


Le passage le plus hallucinant raconte le Vietnam des “rats des tunnels”, ces troupes dont la particularité était d'explorer l'immense réseau de galeries, qui s'étendait de Saigon à la frontière cambodgienne et à l'intérieur desquelles les combattants viêt-côngs se réfugiaient.
l'armée américaine avait forgé une unité spéciale. Les membres de cette unité comme Hoyt Stapleton devaient être petits, les tunnels étaient étroits. Comment survivre à cette putain de vie !


Les combattants ne sont plus que des furets que l'on disperse pour faire sortir les taupes ! Que mangent-ils sinon la boue dans un doux mélange de racines sauvages.
"De temps en temps les viêt-côngs sortaient pour décimer les bataillons américains qui entendaient qu'on leur tirait dessus sans savoir d'où cela provenait, et qui, lorsque le tir avait cessé et qu'ils se rendaient sur place, ne trouvaient que feuillages et frondaisons."
Plus de trace des combattants, de nouvelles galeries étaient apparues, puis disparaissaient, les taupes vietnamiennes avaient reflué vers d'autres paysages intérieurs.


Et quand Myers et McMulligan parlaient de leur expérience de marine en Irak, Stapleton constatait que rien n'avait changé. C'était toujours la même merde : des jeunes types utilisés, transformés en assassins, bouffés de trouille, traumatisés à vie.


Une mélancolie intarissable irrigue le propos, Christian Garcin au fil des pages, façonne des personnages ou les blessures peu à peu révèlent des vies brisées, des destinées volées. le lecteur passe de la nuit au jour, comme une métaphore impudique du passé de Hoyt Stapleton. Comment être aussi explicite sur la vie des hommes fissurés ? Des rats.
Las d'être un migrant des sous sols, étranger à lui-même, il part revisiter sa propre enfance, retrouver un ancrage dans la mémoire de ses jeunes années. Il y retrouvera avec mélancolie la douceur comme les manques douloureux d'un môme livré à lui même, et malgré les ombres un bout de son identité confisquée.


Ce récit est dans la ligne des romans de Joyce Carol Oates une plongée cruelle et désespérée dans une Amérique qui déborde de fric et de paillettes. Un pays qui désespère ses minorités et ses marginaux où les riches sont sans aucune empathie pour celui qui n'a reçu qu'un seul talent, et moins encore s'il a caché ce talent en pleine terre (parabole des talents, Luc ) .
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Dans les grands espaces de l'oubli
Christian Garcin nous entraîne à Las Vegas, mais pour nous montrer l'envers du décor, celui des laissés pour compte qui vivent dans les collecteurs d'eaux usées.

À Las Vegas tout brille, où on entend donner l'illusion que la fortune est à portée de main, où la démesure est la norme, on ressent plus qu'ailleurs la violence du contraste que représente la population sinon invisible, du moins souterraine, celle des laissés pour compte, des sans domicile fixe, des marginaux qui élisent domicile «le long de tout un réseau d'égouts et de collecteurs d'eaux de pluie (…) trois cent vingt kilomètres en tout, des canalisations allant de tuyaux de soixante centimètres de diamètre à des tunnels de trois mètres de haut sur six de large». C'est dans le numéro 7 de cet «envers du décor à l'ombre des lumières et des paillettes clignotantes du Strip» que vivent Hoyt Stapleton, McMulligan, et Myers, tandis qu'à l'autre extrémité un couple, Lottie Mae et Gollum ont élu domicile, si l'on peut dire.
Christian Garcin va s'attacher plus particulièrement à Hoyt qui, ironie de l'histoire, faisait partie d'une unité spéciale de l'armée américaine chargée des tunnels: « Né de père inconnu, Hoyt Stapleton avait en 1966 accompagné les derniers jours de sa mère qu'un cancer foudroyant avait terrassée en moins de trois mois puis, désormais sans famille ni ressources, s'était engagé dans l'armée. Il avait vingt-deux ans. Il était parti au Viêtnam, où il avait été enrôlé parmi les “rats des tunnels”, ces troupes dont la particularité était d'explorer l'immense réseau de galerie: qui, creusée dans les années 1940 pour établir des poches de résistance à l'envahisseur français, s'étendaient de Saigon à la frontière cambodgienne et à l'intérieur desquelles les combattants viêt-côngs se réfugiaient se réfugiaient, sortant de temps en temps pour décimer les bataillons américains qui entendaient qu'on leur tirait dessus sans savoir d'où cela provenait, et qui, lorsque le tir avait cessé et qu'ils se rendaient sur place, ne trouvaient que feuillages et frondaisons, sans trace des combattants qui avaient reflué à l'intérieur. Lorsque l'armée américaine s'était avisée de l'existence de ces galeries, une unité spéciale avait été formée pour l'explorer, puis la détruire. »
Le problème, c'est que Hoyt comme ses compagnons d'infortune sont bien loin de l'image des héros que l'armée aimerait laisser. Ils sont tout au contraire hantés par leur expérience, au Vietnam, en Irak, en Afghanistan ou même à quelques kilomètres de Las Vegas où une base de pilotes de drones atteignent des cibles au Proche et Moyen-Orient. C'est difficile, dur, atroce. Chacun essaie de refouler ses syndromes post-traumatiques en ayant recours à l'alcool, à la drogue ou en fuyant la réalité en se plongeant dans des recueils de poésie, comme le fait Hoyt. Qui entend aussi lire tout ce qui a trait aux voyages dans le temps. Il se lance alors vers le futur mais sans succès probant. Tente alors de revenir dans les années 50, avant que sa mère ne meure, avant que la belle Maureen ne soit plus qu'un souvenir…
« Depuis ses incursions dans le printemps de son enfance, se dit-il en souriant intérieurement, il avait peut-être activé un mécanisme temporel permettant de brefs surgissements d'une réalité dans une autre. Peut-être la scène laquelle il avait assisté la veille, avec cette jeune femme rousse répondant au prénom dc Maureen qui grimpait dans une Toyota verte, n'avait-elle pas eu lieu la veille mais quarante ans plus tôt, et il avait été le seul à la voir le seul qui pû: la voir.
Peut-être alors était-ce vraiment Maureen qu'il avait aperçue, Maureen venue passer un week-end à Las Vegas avec son mari un jour de 1968 ou 1970. Peut-être la ville était-elle à présent truffée d'intersections entre passé et présent, de filons dans la niche temporelle qui ne demandaient qu'à être forés. »
Ce jeu subtil entre poésie, science et science-fiction a quelque chose de fascinant. Et de profondément troublant. Si l'on peut essayer de trouver dans notre passé les éléments qui nous constituent aujourd'hui, quel moyen avons-nous de modifier cette perception. Pouvons-nous devenir quelqu'un d'autre? Si Christian Garcin ne nous livre pas les réponses, il nous plonge des dans abîmes de réflexion vertigineux. le tout culminant dans un épilogue que je vous laisse découvrir.
Après Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds, Christian Garcin poursuit son exploration de cette Amérique aux contrastes saisissants, au rêves auxquels on veut croire même si, comme les bandits manchots des casinos, on sait que le risque de perdre est bien plus fort que la chance de gagner.
Lien : https://collectiondelivres.w..
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La quête mémorielle d'un vétéran du Vietnam marginalisé et extrêmement touchant.

Hoyt Stapleton, vétéran du Vietnam et héros singulier des «Oiseaux morts de l'Amérique», vit avec Matthew McMulligan et Steven Myers dans un no man's land en périphérie de Las Vegas, dans des canalisations d'évacuation et de collection des eaux, à seulement quelques encablures de la débauche de lumières et paillettes clignotantes du Strip, au coeur de cette ville si factice qu'elle a «la capacité singulière de nous laisser croire à notre propre irréalité», comme l'écrivait Bruce Bégout dans «Zéropolis» (éditions Allia, 2002).

Enrôlé parmi une unité spéciale au Vietnam qu'on appelait les «rats des tunnels», chargé d'explorer les galeries souterraines où s'abritaient les combattants viêt-côngs, l'expérience de Stapleton, et son impossible réinsertion dans une vie normale, rejoint celle de ces compagnons, anciens marines en Irak traumatisés à vie, héros déchus de l'Amérique semblables à ces oiseaux qui chutent, leurs ailes comme abîmées en plein vol.
À l'irréalité des néons de Las Vegas s'oppose celle d'Hoyt Stapleton et de ses compagnons d'infortune, en exil permanent dans la société civile, dans cet état résiduel de guerre que Tim O'Brien a évoqué de manière saisissante dans «À propos de courage» (1990, traduit en 2011 pour les éditions Gallmeister).

La suite sur le blog Charybde 27 ici :
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Las Vegas .... pour tous c'est le fric qui s'étale, les casinos, les belles bagnoles et belles nanas, le bling-bling à tous les coins de rue, bref.....une ville superficielle et sans âme qui tous connaissent. C'est ce qu'on y voit en surface : le brillant des dollars qui coulent à flot.
Mais dans ses sous-sols, dans ses immenses collecteurs ou coulent à flot les eaux des orages du désert, vivent ceux qui rejettent tout ce fric, qui rejettent cette société, des parias. Ce sont, pour certains d'anciens soldats ayant combattu au Vietnam ou ailleurs. Ils vivent tous en marge de cette société qui leur a fait perdre leur jeunesse.
Hoyt Stapleton, l'un d'eux, connaît bien ces tunnels, cette vie sous terre. Las-bas, au Vietnam, il était un "rat des tunnels. Il fait partie de ces nombreux hommes traumatisés par cette guerre, incapables de surmonter cette horreur. Il combattait non pas dans la jungle, à l'ombre des forêts, mais dans les commandos sous terre, dans les tunnels creusés par les Viets pour se déplacer sous la jungle, sous le napalm....Il était chargé de les éliminer, au couteau. Cette vie souterraine dans des galeries cimentées de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres de large, ne lui fait pas peur...c'est son monde, même si elle lui rappelle d'horribles souvenirs, ces copains égorgés par dessus lesquels il fallait passer pour avancer...ces tunnels dans lesquels on ne pouvait pas faire demi-tour.
Ici, à Las Vegas, il vit avec d'autres vétérans, tous survivants de l'horreur de la guerre, d'autres guerres. Stapleton est ami avec deux autres vétérans, McMulligan et Myers, qui , quant à eux ont connu l'Irak, ou l'Afghanistan, le désert. Tous trois se sont retrouvé à Las Vegas, vivant entre eux de leurs pensions, aux cotés d'autres américains seuls ou en couple, semi-clodos laissés pour compte par le système ou refusant ce monde de fric. Tous sont des exclus de ce monde moderne, de cette société américaine. Des exclus par choix en ce qui concerne ces vétérans, qui côtoient d'autres exclus de la société, des exclus bien involontaires quant à eux du système.
Alors Hoyt s'évade, en retournant dans le passé, en voyageant vers son enfance, en voyageant par la poésie dans les livres.
Les guerres se suivent, les traumatismes sont identiques :"On devait être une armée de libération et en moins de deux, on est devenu une armée d'occupation, puissante et maladroite, avec des cinglés dans le genre de ton pote qui prenaient leur pied à dézinguer des civils pendant que d'autres devenaient dingues de tant de saloperies..."
Ils ont tout donné, et malgré tout ont été abandonnés à leur sort après leur démobilisation: 'L'Irak, l'Afghanistan, le sort réservé aux prisonniers, Guantanamo....les drones..."
Christian Garcin joue avec ces contrastes, fric et bling-bling d'un côté, hommes meurtris au plus profond d'eux-mêmes de l'autre. Des hommes incapables de comprendre et de s'adapter à ce monde, pour lequel on les a fait combattre, pour lequel certains de leurs amis ont perdu leur vie, pour lequel l'armée leur a tous fait perdre leur âme : "des jeunes types utilisés, transformés en assassins bouffés de trouille, traumatisés à vie, qui avaient eu la chance de s'en sortir en un seul morceau et qu'on avait pour certains d'entre eux laissé tomber, sans pension, sans rien". Dans tous les cas des hommes laissés pour compte, au même titre que ces clodos vivant en marge de cette société dans laquelle l'argent est roi.
Une autre peinture de cette Amérique, de ce fric, de cette société superficielle. Une peinture qu'on nous cache. Une honte de l'Amérique.
Découverte de cet auteur, découverte de ce monde peu médiatisé de ces exclus de l'Amérique.
Belle et sombre découverte.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Entre passé et présent, les héros de Christian Garcin tentent d'échapper à leur condition de vétérans, à leurs souvenirs corrosifs. Ils s'évadent par la pensée et l'auteur souligne d'une lumière poudrée le contraste entre le chic vulgaire de Las Vegas et les canalisations où son trio habite (plus d'infos : https://pamolico.wordpress.com/2020/08/23/oiseaux-morts-lamerique-christian-garcin/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Vous le savez si vous me suivez depuis quelques temps, j'adore la littérature nord-américaine ! Je suis ainsi toujours curieuse de lire les romans d'auteurs français qui décident de s'imprégner de cette littérature, de la culture et de l'histoire des États-Unis.

Christian Garcin dépeint ici le revers de la médaille, il décrit avec talent la scission entre le Las Vegas des touristes, celui où l'argent est roi, où les dépenses se font forcément à outrance et le Las Vegas des laissés-pour-compte, des miséreux, des pauvres, de ces êtres à la dérive... Cette dichotomie exacerbée entre ces deux aspects de Las Vegas est tellement forte, tellement scandaleuse et injuste que le lecteur se sent immédiatement concerné par le récit de Christian Garcin.

Les oiseaux morts de l'Amérique est un roman aussi émouvant que son titre, l'auteur donne la parole à ceux qui ne peuvent parler, s'exprimer ou qu'on décide de ne pas écouter. L'histoire introduit un trio, trois êtres détruits par une guerre, trois êtres qui ne sont plus que des ombres, des personnes brisées, ayant de lourdes séquelles post-traumatiques.

Immédiatement j'ai adoré un personnage en particulier : Hoyt, le héros, l'antihéros même de ce livre. Un être d'une grande sensibilité, un personnage qui se tait mais qui écoute, qui pense, qui voit. Un personnage qui décide de voyager dans le temps puisqu'il ne peut voyager dans l'espace. Un personnage qui va dériver vers l'avenir puis retourner vers le passé pour se souvenir... Un être qui voyage aussi dans la fiction grâce aux livres.

Christian Garcin livre un portrait sincère de l'Amérique, un portrait loin des clichés de cartes postales, un portrait percutant au travers de personnages émouvants, des personnages qui ont tous un destin fracassé par le sang et la guerre.

En définitive, voici une très belle lecture, et même si l'auteur est français j'ai eu l'impression de lire un excellent roman américain.

Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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C'est le deuxième livre que je lis de cet auteur et si les deux romans sont très différents, ils ont en commun un voyage assuré. Avec Les vies multiples de Jérémiah Reynolds nous traversions les mers ici nous allons dans les bas-fonds de Las Vegas.

Trois vétérans partagent la même canalisation en guise de refuge et vivent ensemble dans un respect mutuel de leurs bizarreries. Car chacun sait combien ces étrangetés cachent leurs blessures indicibles.

J'ai aimé ce livre, être aux côtés de ces hommes abimés par la vie, guidée par la belle écriture de Christian Garcin.

Mais j'ai fermé ce livre avec un poids sur la poitrine. Une mélancolie se diffuse pendant la lecture sur la cruauté de notre monde et je ne suis pas sortie indemne de cette lecture.
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Christian Garcin est né en 1959 à Marseille. Jusqu'au début des années 2000 il a exercé diverses activités professionnelles, comme guide-interprète, accompagnateur de voyages ou enseignant de lettres au collège. Un premier ouvrage en 1992, son oeuvre se réparti entre recueils de nouvelles, de poèmes, d'essais sur la peinture et la littérature, de carnets de voyages, de quelques ouvrages en littérature jeunesse et une grosse dizaine de romans comme Les Oiseaux morts de l'Amérique qui vient de paraître.
A Las Vegas, loin de son univers pailleté et clinquant, des hommes vivent de rien dans les tunnels des canaux des égouts de la ville. Parmi eux, trois vétérans de l'armée. Hoyt Stapleton, le plus âgé, septuagénaire, a fait le Vietnam, taciturne il parle peu à ses deux plus jeunes compagnons, Matthew McMulligan et Steven Myers, qui eux ont fait l'Irak. Et tous ont en commun les séquelles du choc post-traumatique causé par la guerre. Pour échapper à sa condition, Hoyt a une recette, il voyage dans le temps…
De prime abord, le début du roman évoque l'univers de Philip K. Dick. Mondes parallèles, paradoxe de Fermi, théories prise de tête… Hoyt voyage dans le temps, il a vu le futur et c'est tellement horrible que désormais il préfère explorer les temps anciens. Stop ! Fausse piste ! Et c'est toute l'inventivité de Christian Garcin qu'il faut louer, car sous couvert de soit disant voyages dans le futur ou le passé, genre machine à explorer le temps, la métaphore cache un travail de réflexion sur la mémoire.
Raconté comme de vraies expéditions dans le passé, Hoyt revient chez lui à l'époque où il était enfant au début des années ‘50, se regarde agir, épie sa mère et revit des évènements de ses jeunes années. Ces visions l'amènent à s'interroger, ses souvenirs sont-ils le reflet de ce qui s'est réellement passé ou, ce passé qu'il revisite est-il le vrai ou bien celui que sa mémoire veut lui faire croire ? Lentement des vérités qu'il croyait avérées vont se diluer pour devenir autres. Enfin, ses « voyages » vont finalement le transporter jusqu'à ses années Vietnam, et là l'écrivain réussit quelques pages d'une intensité dramatique particulièrement dure qui vont faire exploser les digues de la mémoire de Hoyt, une révélation terrible qui le laissera pantelant mais rasséréné.
Un bien beau roman, où le calme du vieil homme est très bien servi par l'écriture bienveillante et mélancolique de l'écrivain. le lecteur qui ne peut que se prendre d'amitié pour Hoyt, le suit avec une curiosité mêlée d'inquiétude, appréciant au passage les références littéraires et poétiques distillées au gré des lectures du héros.

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Ils sont l'Amérique des sous-sols face aux éclats de lumière qui scintillent sur Strip. Ils sont ceux dont la société ne sait que faire, ceux qui ont tout perdu après avoir connu les bombes. Ils sont la mémoire que l'Amérique tente d'effacer, eux qui ont combattu pour leur nation, eux qui ont enduré et vu l'horreur dissimulée. Ils sont les héros d'un temps et les oubliés d'aujourd'hui.


Publié par L'ivresse littéraire mars 13, 2018
LES OISEAUX MORTS DE L'AMÉRIQUE DE CHRISTIAN GARCIN : SOUS LES LUMIÈRES DE LAS VEGAS
Les oiseaux morts de l'Amérique
Paru aux éditions Actes Sud - 224 pages

Je ne suis pas une amatrice de romans américains. le peu que j'ai lu ne m'ont jamais trop séduite. Mais lorsqu'il s'agit d'un auteur français qui dépeint l'Amérique, là c'est autre chose. Thomas B. Reverdy m'avait conquise avec Il était une ville, Pierre Ducrozet aussi avec L'invention des corps. Au tour de Christian Garcin de prendre la relève. Autre roman, autre lieu pour un portrait peu reluisant également de l'Amérique.

“ Il se disait qu'il était vieux à présent, soixante-dix ans passés, et qu'il laisserait derrière lui des dizaines de pages de notes et histoires puisées dans ses voyages dans le futur, quelques poèmes qui ne disaient pas grand-chose d'autre que le mouvement des ombres autour et à l'intérieur de lui, et ces carnets de dessins, de bribes de lumières et de formes nettes, découpées, qui traçaient le cadre de ses déambulations diurnes. Alors quoi de mieux que le silence. ”

Hoyt Stapleton est un vétéran de la guerre du Vietnam, plus précisément un ancien « rat des tunnels ». Silencieux mais cultivé, il trouve refuge dans les livres qu'il récupère lorsqu'il se rend au « Blue Angel Motel ». Stapleton vit avec deux autres vétérans - McMulligan et Myers, pour eux c'était l'Irak - aux portes de Las Vegas. Là où les lumières brillent, où le pognon coule à flots, où la fête bat son plein nuit et jour. Peut-être vous direz-vous que c'est pas mal une vie de débauche. Oui mais eux c'est sous terre qu'ils vivent. Dans un collecteur d'eau de pluie, inondé en cas de crue. Loin des strass et des paillettes donc.
Ils sont des centaines à vivre reclus, en marge, dans ces immenses souterrains. Des centaines de SDF à vivre entassés comme des animaux en cage. Alors ils s'entraident le plus souvent, ils partagent, le café mais pas que. Ils sont les exclus d'une société et d'un système entier. Eux qui ont tant donné pour leur pays.
A eux trois, ils réinventent un monde pour contrer la fatalité d'une réalité impensable. A eux trois, ils partagent leurs souvenirs douloureux de ces guerres qui les auront marqués à jamais. Mais Hoyt, contrairement aux autres, a une autre manière de s'échapper de ce quotidien inhumain, il voyage dans l'espace-temps. Et ça fait marrer les gars. Mais passé ou futur, il choisit. le futur ne laissant pas franchement place à un meilleur avenir pour notre monde, il préfère remonter le temps. Revisiter son passé pour ne pas se laisser aller à l'angoisse et la grisaille du présent. Il retourne en enfance, dans la douceur des souvenirs d'une maison chichement entretenue par sa mère. La douceur des souvenirs d'un quartier où la jolie voisine était sa plus tendre amie. Mais remonter ainsi dans une vie passée, est-ce réellement sans conséquences ?

Ils sont l'Amérique des sous-sols face aux éclats de lumière qui scintillent sur Strip. Ils sont ceux dont la société ne sait que faire, ceux qui ont tout perdu après avoir connu les bombes. Ils sont la mémoire que l'Amérique tente d'effacer, eux qui ont combattu pour leur nation, eux qui ont enduré et vu l'horreur dissimulée. Ils sont les héros d'un temps et les oubliés d'aujourd'hui.

“ Lorsque Myers et McMulligan parlaient de leur expérience de marines en Irak, Stapleton constatait que rien n'avait changé. C'était toujours la même merde : des jeunes types utilisés, transformés en assassins bouffés de trouille, traumatisés à vie, qui avaient eu la chance de s'en sortir en un seul morceau et qu'on avait pour certains d'entre eux laissé tomber, sans pension, sans rien. Il se sentait proche d'eux mais depuis quelques temps ne leur parlait plus, ou presque plus. [...] parler reviendrait inévitablement à remettre sur le tapis toujours les mêmes horreurs, les mêmes rancoeurs, à comparer leurs expériences, à aggraver amertume et dépit. A quoi bon. A cela il préférait les vertus du silence, ou de la parole rare. ”

Mais sous la plume sensible de Christian Garcin, ils prennent vie et témoignent de ce qu'ils ont vu, des combats menés et des conséquences sur l'homme. Ceux qui étaient sur le front, ceux qui pilotaient des drones à des milliers de kilomètres de la zone de combat. Ils sont tous là, avec leurs démons, leur violence parfois. le martèlement des idées transmises ancrées au plus profond.
L'auteur nous dépeint une Amérique bien peu reluisante et pourtant il ne juge pas, il constate. Il retranscrit, sans tomber dans le pathos ni même dans l'éloge. Il façonne ses personnages d'une douce mélancolie teintée d'humour. Des personnages d'une tendresse bienveillante à commencer par le vieux Stapleton qui voue un amour à la poésie de William Blake ou John Keats et se prend à redécouvrir les musiques qui ont bercé son enfance.
Et puis dans cette réalité douloureuse, Christian Garcin y incorpore une dimension fantastique en jouant avec ces passerelles temporelles pour adoucir la dure cruauté d'un monde invisible.

Les oiseaux mort de l'Amérique était pour moi le premier roman que je découvrais de l'auteur et je ne regrette absolument pas d'avoir emprunté ces tunnels pour aller à la rencontre de ces laissés pour compte qui furent de très émouvants compagnons de route car derrière les fêlures, au creux de ces lieux sombres, se cachent des coeurs tendres.
Lien : http://www.livresselitterair..
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