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Critique de pycrozet


Milieu du XIXe siècle. le jeune matelot Narcisse Pelletier se retrouve seul sur une terra incognita d'Australie après le départ précipité de son navire. Une tribu indigène le recueille sans qu'il puisse déchiffre leurs intentions. Lorsque, 17 ans plus tard, un nouveau vaisseau occidental vient à accoster en ces lieux, Narcisse est devenu un "sauvage", mais un "sauvage blanc", qu'il faut évidemment rapatrier et examiner pour les bienfaits de la Science, tâche à laquelle le vicomte de Vallombrun consacrera plus ou moins le reste de sa vie.

Le récit que nous propose François Garde se base, semble-t-il, sur des faits attestés. L'intérêt principal, pour le vicomte comme pour le lecteur, est le fait qu'il s'agisse d'une contre-robinsonnade : si Narcisse a échoué parmi les "sauvages", on s'intéresse davantage au fait qu'il semble avoir désappris sa vie passée, sa langue maternelle et jusqu'aux êtres et usages qui ont façonné ses 18 premières années d'existence, et on s'interroge sur sa capacité à se réapproprier sa culture d'origine. La tension narrative réside dans l'alternance entre le récit, chronologique, de la première vie de Narcisse (du naufrage aux prémices de son intégration dans la tribu) et les lettres du vicomte au président de la Société de géographie, dans lesquelles il rend compte des progrès de son protégé, et du mutisme tenace qui le caractérise.

L'auteur parvient très bien à inscrire ses descriptions et les usages épistolaires du vicomte dans une tradition XIXe, on croirait lire certaines pages de Jules Verne et confrères ! le vocabulaire est riche, malgré de menues répétitions disgracieuses dans les descriptions. L'expression, souvent imagée, demeure toutefois d'une grande clarté, ce qui rend la lecture fluide et agréable du début jusqu'à la fin de l'ouvrage. Les deux récits imbriqués permettent également de maintenir notre attention, piqués que nous sommes de vouloir découvrir ce qu'il s'est passé sur l'île par l'avancée du premier récit ou par la progression à reculons du second.

Malgré tous ces points (qui font incontestablement de ce roman une lecture digne d'intérêt), je me permets d'émettre quelques réserves :

* une fois le livre refermé, nous ne sommes pas plus en mesure de décrypter le sens des us de la tribu que Narcisse lors de son naufrage (pourquoi l'indifférence à son égard ? pourquoi les migrations subites ? d'où vient l'eau ?, etc.)

* quelques éléments sont présentés comme importants puis s'évaporent du récit (la soeur tant aimée, la cotonnade dans les cheveux de l'aborigène...)

* et juste pour le plaisir de pinailler, au moins deux erreurs ou coquilles dans l'édition Folio de Gallimard : page 220, "avoir à faire"au lieu de "avoir affaire" (à quelqu'un) ; page 259, "les femmes cessèrent e jouer".

En somme, ce roman m'a plu par sa construction efficace et maîtrisée jusqu'à la dernière page, par les souvenirs de lecture qu'il a ravivés (notamment L'Île mystérieuse de J. Verne), par le doute longuement maintenu sur le silence de Narcisse (entre une explication peu satisfaisante du type "après 17 ans, c'est normal qu'il ait tout oublié" et une explication psycho-traumatique, heureusement jamais nommée comme telle dans le livre) et par l'exercice de style, au sens propre. Sans être indispensable à votre "babéliothèque", Ce qu'il advint du sauvage blanc devrait vous offrir quelques heures de dépaysement et d'intérêt. Alors, bonne lecture !
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