LA NOURRICE
Mais le tyran vainqueur, incontinent détruit,
De ses heureux combats n'emporta pas grand fruit.
PORCIE
Plût au grand Jupiter qu'il dominât encore !
Nous n'aurions pas les maux qui nous tenaillent ore;
Nous vivrions bienheureux en repos souhaité,
Sans perte seulement que de la liberté;
Nous ne verrions sous lui la Ville pleine d'armes,
Commise à l'abandon d'un amas de gendarmes.
Rome ne verrait pas un millier de proscrits,
Sous l'appas d'un guerdon en tant de lieux meurtris;
Ni par divers cantons tant de têtes tranchées,
Pour un épouvantail aux rostres attachées.
Or, je te plains, César ! César, je plains ta mort.
Et confesse à présent que l’on t'a fait grand tort :
Tu devais encor vivre, tu devais encor être
De ce chétif empire et le prince et le maître :
Vraiment je te regrette, et cuide fermement
Que Brute et que Cassie ont fait injustement.
(Acte II)
O triste langueur !
O malheur qui nous suit !
O peuple vainqueur,
Las, te voila destruit !
Sus, miserable, sus, sus, pauvres infortunee,
Recommence tes pleurs avecques la journee :
Que les piteux regrets des Alcyoniens,
Et les plaintes que font les Pandioniens,
Gemissant leur Itys sur les ondes chenuës,
Ne puissent egaler tes larmes continuës,
Helas ! car aussi bien, car aussi bien, helas !
Leurs desastres cruels les tiens n'egallent pas.
Des Enfers tenebreux les gouffres homicides
N'ont encore soulé leurs cruautez avides :
Encore mi-deserts les champs Tenariens
Demandent à Pluton de nouveaux citoyens.
Toy, qui armas le Gendre encontre le Beau-pere,
Toy, l'horreur des humains, execrable Megere,
Qui portes dans le sein la rage et les fureurs :
Toy, toy, qui peux combler tout ce monde d'horreurs,
Embrase de rechef la guerriere poitrine,
Et le sang genereux de ceste gent Latine.