O maison désolée ! ô maison misérable !
O chétive maison, maison abominable !
O Phedre infortunée ! ô crédule Thesée !
O trop chaste Hippolyte à grand tort accusé !
Je ne sçaurois aimer votre sexe odieux,
Je ne puis m'y contraindre, il est trop vicieux.
Il n'est mechanceté que n'invente une femme,
Il n'est fraude & malice où ne plonge son ame.
Et toy pauvre vieillotte, authrice malheureuse
d'un esclandre si grand pour ta Dame emoureuse,
Pourras-tu regarder le saint thrône des Dieux!
Pourras-tu plus lever la face vers les Cieux,
Et tes sanglantes mains, coupables de l'outrage
De ce jeune seigneur au plus beau de son âge?
Je viens du creux séjour des éternelles nuits,
Et de la triste horreur des Enfers pleins d'ennuis :
A grand'peine mes yeux à paupeères ouvertes,
Peuvent voir du beau jour les clairtez decouvertes.
Hé bons Dieux! que feray-je? auray-je tousjours pleine
La poitrine et le cœur d’une si dure peine?
Souffriray-je tousjours? ô malheureux Amour!
Que maudite soit l’heure et maudit soit le jour
Que je te fu sujette! ô quatre fois mauditte
La fleche que tu pris dans les yeux d’Hippolyte :
D’Hippolyte que j’aime, et non pas seulement
Que j’aime, mais de qui j’enrage follement.
O Roine de la mer, Crete mere des Dieux ,
Qui as receu naissant le grand moteur des cieux,
O la plus orgueilleuse et plus noble des isles,
Qui as le front orné de cent fameuses villes:
Demeure de Saturne , où les rivages torts,
Remparez de rochers, s’ouvrent en mille ports,
En mille braves ports qui caressez de l’onde,
Reçoivent des vaisseaux de toutes parts du monde:
Pourquoy mon cher sejour, mon cher sejour pourquoy
M’as-tu de toy bannie en eternel esmoy? (
Ja l’Aurore se leve, et Phebus qui la suit,
Vermeil, fait recacher les flambeaux de la nuict.
Ja ses beaux limonniers commencent à respandre
Le jour aux animaux, qui ne font que l’attendre.
Je sors de l’Acheron , d’où les ombres des morts
Ne ressortent jamais couvertes de leurs corps:
Je sors des champs ombreux , que le flambeau du monde
Ne visite jamais courant sa course ronde