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Critique de HordeDuContrevent


Un roman policier historique instructif et divertissant. Malgré son côté « Rémi sans famille ».

Voilà un pavé espagnol qui plaira aux amateurs de romans policier, aux personnes désireuses d'acquérir des connaissances historiques sur la Chine Impériale du XIIIe siècle, aux lecteurs qui aiment les histoires s'inspirant de personnages réels, aux curieux voulant comprendre la science médico-légale, et enfin aux amoureux de récits romanesques aux multiples rebondissements. Les pages de ce livre se tournent toutes seules, peut-être raterez-vous même votre station si vous êtes en transport en commun (cela m'est arrivé avec ce livre), ou tout simplement vous vous coucherez plus tardivement si vous le lisez le soir. Une lecture plaisante mais qui n'est pas dénuée, pour moi, de bémols qui ont douché mon enthousiasme.

Ce livre d'Antonio Garrido, inspiré d'un personnage réel, relate l'histoire de Ci Song, le premier médecin légiste de tous les temps, ainsi surnommé « le lecteur de cadavres ».
Ce roman nous transporte à l'est de la Chine, au XIIIe siècle. Ci Song, d'origine modeste, voit le destin s'acharner sur lui. Pourtant tout semblait lui réussir. En effet, il a eu la possibilité d'étudier la médecine légale à Lin'An (l'actuelle Hangzhou), alors capitale de l'Empire. Son père officiait en tant que comptable au service du vénérable juge Feng. Celui-ci, dont le rôle se rapproche de celui de nos médecins légistes actuels, a détecté les capacités exceptionnelles de Ci et est devenu son mentor. L'avenir semblait ainsi tout tracer pour le sage Ci Song. Malheureusement, à la mort du grand-père de Ci, son père a dû retourner avec toute sa famille dans son village natal pour respecter une période de deuil de plusieurs années imposée par la tradition. Il va alors subir tout un lot de malheurs : la violence cruelle de son frère, l'arrestation de celui-ci pour meurtre, l'incendie puis la mort de ses parents, la fuite de son village avec sa petite soeur gravement malade, le déshonneur causé par la corruption de son père qu'il apprend plus tard.
Le frère et la petite soeur se retrouvent tous deux dans les quartiers populaires de Lin'an où ils sont dans une situation désespérée de grande misère et tentent de survivre. Il devient fossoyeur et, grâce à son talent, et à ce qu'il a appris quelques années auparavant auprès du juge Feng, il parvient à expliquer aux familles les causes des décès rien qu'en regardant et analysant les cadavres. Accepté à la prestigieuse Académie Ming, où il s'attire les foudres d'un élève jaloux de la haute société, ses échos parviennent jusqu'aux oreilles de l'Empereur qui le convoque pour enquêter sur une série d'assassinats particulièrement étranges. S'il réussit il entrera au sein du Conseil du Châtiment, s'il échoue c'est le mort.

Particulièrement romanesque n'est-ce pas ? Ce d'autant plus qu'Antonio Garrido dose subtilement les ingrédients pour que le lecteur ne s'ennuie jamais : tortures, sang, cadavres, tige de jade, cavité du plaisir et pieds bandés, injustice, traitrise, autopsies…Et soulignons que Ci Song a réellement existé. Il a écrit un traité médico-légal en cinq volumes qui a permis de faire de grandes avancées en la matière. En revanche, sa vie est peu connue et l'auteur espagnol nous l'offre de manière totalement romancée.


J'ai beaucoup aimé la description de la vie quotidienne tant dans les villes qu'en pleine campagne, j'ai été passionnée par l'explication des rites, des moeurs, des us et des coutumes de ce peuple chinois médiéval.
Nous sentons que l'auteur a su sérieusement se documenter sur les règles régissant les relations familiales, sociales, sur les traditions, très codifiées, et bien sûr sur les techniques médicales d'investigation criminelle de cette époque. C'est parfois pourtant assez effrayant, mais tous ces aspects m'ont happée. Comprendre comment les plaies et blessures peuvent parler est réellement fascinant. L'intrigue, menée à travers la lecture des corps retrouvés et sauvagement mutilés, est bien menée, sauf le dénouement j'en parlerai plus loin. Je ne suis pas particulièrement amatrice de romans policiers et pourtant là, l'auteur espagnol a su me capter. le tribunal final plaira à tous les amateurs du genre.

« Puis, à la surprise de l'assistance, il donna un coup de couteau dans le ventre de la femme. La sage-femme tenta de l'arrêter, mais Ci continua.
- Vous comprenez maintenant ? – de ses mains ensanglantées, Ci lui montra les intestins apparents.
- Que faudrait-il comprendre ? parvint à répondre Khan.
- Que ce cadavre est celui d'un homme, pas celui d'une femme ».

Au final, mon bémol, le seul mais qui est de taille, vient des multiples rebondissements que vit le pauvre Ci et ce fut trop pour moi tant le sort semble s'acharner sur lui. Les coups du destin, si nombreux, transforment le roman en véritable mélodrame. Avant que Ci ne vienne travailler auprès de l'empereur, il y a 400 pages de rebondissements incessants à donner le tournis.
Cette façon de faire, j'imagine pour amener le lecteur à ressentir beaucoup de compassion pour le personnage (qui apparait au final certes touchant, opiniâtre, mais aussi parfois un peu niais) et pour nous tenir accrocher au livre, apporte des longueurs inutiles et quelques agacements. Si les chapitres consacrés au Palais et à l'enquête s'avèrent très intéressants et les autopsies passionnantes (mais âme sensible s'abstenir tout de même), le dénouement est agaçant. L'auteur espagnol use et abuse de rebondissements à ce moment clé du dénouement. Antonio Garrido veut en effet nous fait languir à coups de révélations puis contre-révélations, et contre-contre-révélations, cela m'a particulièrement fatiguée.
Soulignons enfin des ficelles souvent très grosses pour sortir Ci Song du pétrin comme ce don génétique particulier dont il est affublé, celui de ne ressentir aucune douleur (il s'agit, selon les notes, d'une maladie qui existe, une maladie rare) et aussi de ne contracter aucune maladie (là ce n'est pas crédible).


Un livre avec lequel on ne s'ennuie pas et qui permet de passer des heures agréables, d'apprendre beaucoup sur les conditions de vie à cette époque en Chine et sur les aspects médico-légaux, mais son côté très « Rémi sans famille » dans la Chine du XIIIè siècle peut agacer et lasser. Quant à la plume, certes fluide, elle n'a rien de singulière. Un bilan en demi-teinte.

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