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Critique de Levant


Levant
20 décembre 2018
Toute l'oeuvre de Romain Gary est centrée sur l'échec. Échec de l'Homme à se construire une destinée à la hauteur du mystère de la vie. Échec du même à vivre en harmonie avec ses congénères, son environnement. Échec de la civilisation qu'il a façonnée à canaliser les individualités en une communauté de prospérité. Et pour le thème de cet ouvrage, échec de l'utopie européenne. Nous sommes en 1971. A-t-on progressé en 2018 quand d'aucuns sont tentés de retrouver en notre époque le climat des années 30, avec la crainte que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets ?

Et Romain Gary de regretter que la vieille civilisation occidentale n'ait pas su concrétiser les espoirs fous qu'avait vu naître le siècle des lumières : le mythe d'une Europe de la culture, qui aurait fait ses humanités, stimulée par la langue française, laquelle brillait de tous ses feux dans les cours européennes.

Romain Gary, le faussaire sublime mais sincère, le rêveur qui n'a su dompter ses cauchemars nous étonne encore une fois avec sa verve inspirée et intarissable dans un roman labyrinthique. Une fois de plus il choisit la dérision pour leurrer son désespoir et contenir sa colère d'être le témoin d'une civilisation qui, si évoluée soit-elle, n'a su maîtriser ses démons.

Le Temps comme le Destin prennent la majuscule dans Europa, en signe de soumission de l'homme à ces deux concepts qui gouvernent sa vie. Il faut dire qu'ils en prennent à leur aise. le Temps à se jouer des chronologies, ne craignant ni les anachronismes ni les alternances de rythme, le Destin à se complaire dans le mépris de sa proie. Au diable la cohérence dans un monde qui perd la raison, même si l'ouvrage peut devenir quelque peu indigeste à force d'acculturation.

Pareilles circonvolutions font durer l'instant encore et encore. Telle une ascension vers le nirvana, la vieille Hispano-Suiza de 1927 qui transporte Malwina, Erika et le Baron vers l'ambassadeur Danthès n'en finit plus gravir le chemin qui mène à la villa Italia. Elle est tellement chargée d'histoire, la grande et la petite, de faux espoirs et de regrets, tellement chargée de l'imaginaire d'un auteur fécond que la faire parvenir à son but serait donner raison au Temps et n'avoir aucune prise sur le Destin. Voilà pour l'entame d'un roman qui tire quelque peu en longueurs.

Roman difficile qu'il faut aborder avec l'intention, à chaque phrase, de saluer le talent d'un auteur et ne pas chercher à suivre le fil d'une intrigue. Romain Gary est parvenu à un stade de sa carrière d'écrivain où il peut s'autoriser la mise à l'épreuve de son lecteur, tester la force de son adhésion aux valeurs que lui-même a voulu défendre toute sa vie, tout au long de son oeuvre.
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