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Critique de meeva


Passage à la vie adulte de Momo, enfant qui se retrouve périmé d'un coup.
Sûrement trop à l'étroit dans sa peau de gosse qu'il n'est plus.
Il lui faudrait une mue au petit Momo.


Entouré de personnages farfelus ; s'ils sont réalistes c'est dans leurs sentiments.

Madame Rosa, ses kilos en trop et ses peurs, ses maladies et sa tendresse.

Monsieur Hamil, avec sagesse et lucidité même dans sa déchéance.
Et avec une ironie mordante qui allège la gravité du propos.

« - Je suis beaucoup trop vieux pour me marier, disait Monsieur Hamil, comme s'il n'était pas trop vieux pour tout. »


Le docteur Katz, impitoyable retour à la réalité, quant à l'origine de Momo, certifiée, quant à la destination de Madame Rosa, avariée.

D'autres personnages fantasques viennent agrémenter le décor, tels madame Lola, ex-champion de boxe sénégalais du bois de Boulogne plutôt maternel(le), monsieur Waloumba et ses « frères » qui, sous prétexte de chasser les démons, arrivent au moins à éloigner le cafard.


Momo va y perdre insidieusement son vocabulaire inadapté, mais surtout ses illusions de mioche, qui ne se rendait pas toujours compte comme la vie peut être plus grossière que les mots.

« Si vous voulez mon avis, si les mecs à main armée sont comme ça, c'est parce qu'on les avait pas repérés quand ils étaient mômes et ils sont restés ni vus ni connus. Il y a trop de mômes pour s'en apercevoir, il y en a même qui sont obligés de crever de faim pour se faire apercevoir, ou alors, ils font des bandes pour être vus. »


Nous passons tout le livre avec Momo, narrateur, alors qu'une des réflexions les plus présentes concerne la vieillesse et même la fin de vie.

« Elle se réveillait en hurlant parce que chez moi c'était un rêve mais chez elle ça devenait un cauchemar et elle disait toujours que les cauchemars, c'est ce que les rêves deviennent toujours en vieillissant. »


Cela crée un décalage peu crédible entre l'état d'esprit qui devrait être celui de Momo, même pas encore jeune, et des préoccupations de vieux qui vont accompagner ses journées.
Ou bien, vous êtes irrémédiablement sous le charme de Romain Gary, de sa sensibilité, et vous y voyez une empathie envahissante à l'égard de ses semblables.
Empathie qui vous rentre jusque dans les tripes lacrymales.

« Je pense que pour vivre, il faut s'y prendre très jeune, parce qu'après on perd toute sa valeur et personne ne vous fera de cadeaux. »




Ce livre est celui pour lequel Romain Gary a reçu son deuxième prix Goncourt, en 1975, sous le pseudonyme d'Emile Ajar.

« Je n'avais encore jamais vu quelqu'un qui pouvait parler ainsi de lui-même comme si c'était possible. » (il s'agit toujours d'une citation de la vie devant soi).


A l'annonce du prix, Romain Gary s'est laissé avoir à l'accepter, l'obligeant ainsi à trouver un « visage » à son personnage, sous les traits de son neveu Paul Pavlowitch.

Ce qui lui a bien compliqué la vie. Il n'a jamais accepté ensuite, de son vivant, de révéler la supercherie, pour garder son honneur face aux compagnons de la libération, devant lesquels il ne pouvait assumer le mensonge commis.

Mais une deuxième vie aurait été de trop pour Gary qui décida d'écourter la sienne à soixante-six ans, à bout de souffle



« Il cherchait à me faire peur, ce salaud-là, ou quoi ? J'ai toujours remarqué que les vieux disent « tu es jeune, tu as toute la vie devant toi », avec un bon sourire, comme si cela leur faisait plaisir. »





Ça donne soif, tout ça :
« […]
Elle aurait pu l'écouter des nuits entières
En oublier de laver ses verres
Abandonner le bar à ses clients
Et avec lui s'enfuir éperdument
Mais quand c'est à elle qu'il a parlé
C'était pour dire « ma p'tite dame, combien qu'ça fait ? »
Alors elle a dit c'est pour la maison
Et dans l'bistrot ça a fait sensation
Alors il est parti comme il était venu
Arraché par la rue
Et depuis, elle ne pense qu'à lui
Sous le regard des autres
Et depuis elle ne pense qu'à lui
Et dans son coeur le manque se vautre
Et chaque jour elle entend tout bas
Ce petit refrain qui cogne à sa porte

J'ai soif de la vie qu'on m'en apporte
Et que dans un grand tourbillon elle me transporte
[…] »

Extrait de « Soif de la vie » de l'album « Dehors », Mano Solo :
https://www.youtube.com/watch?v=¤££¤34De Boulogne 30¤££¤4


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