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Critique de Ys


Ys
06 février 2015
Le Sud, ici, est celui de l'Angleterre - un sud rural, paisible, ensoleillé, avec des cottages endormis dans des jardins pleins de roses et des tapis de fougères embaumant les promenades en forêt. le Sud, c'est Margaret Hale, fille de pasteur élevée à Londres chez des cousins plus riches, mais amoureuse corps et âme du modeste coin de paradis de sa petite enfance, qu'elle retrouve au début du roman.
Hélas, ces retrouvailles ne sont pas faites pour durer. Papa a un peu trop cogité durant les longues soirées campagnardes et ses doutes - sur de purs points de doctrine, n'abusons pas, la Foi est toujours là - lui donnent d'insurmontables scrupules à rester au service de l'Eglise anglicane.
C'est alors que le Nord entre en scène, le Nord industriel et gris, le Nord avec ses cheminées, ses fumées étouffantes et son brouillard sinistre, où Mr Hale s'exile en compagnie des siens pour un emploi de précepteur.
Inutile de souligner que le contraste est rude, et les a prioris gros comme un pâté de maison que Margaret entretient au sujet du monde du commerce et de l'industrie n'arrangent pas vraiment la situation. D'autant que le Nord, c'est aussi John Thornton, le plus cher élève de papa, jeune patron d'usine parti de rien et résolu à se cultiver une fois fortune faite. John Thornton qui n'est pas mauvais bougre, en dépit de quelques apparences, et que la belle et fière Margaret ne laisse pas indifférent.
Entre Nord et Sud, les rapports promettent d'être aussi complexes que conflictuels... mais n'oublions pas que c'est de l'Autre qu'on apprend le mieux, pour peu qu'on soit capable de dépasser ses préjugés.

Préjugés et orgueil - orgueil et préjugés - sont au centre de cette histoire qui n'est pas sans rappeler l'orageux duo Elizabeth Benett / Fitzwilliam Darcy. En moins subtil et moins brillant, surtout vers la fin, mais dans un contexte social plus intéressant.

Le regard offert sur le monde des usines, un regard extérieur naïf, capable de sympathies et même d'affections du côté des ouvriers autant que du côté des patrons, sait souligner les injustices du système capitaliste sans pour autant tomber dans le misérabilisme. Original et nuancé, il préfère l'esquisse de dialogue à la dénonciation... mais avec plus de bon sens et de bons sentiments que de réelle finesse. Revers de la médaille où figure le bienheureux regard naïf : l'analyse reste succincte, manque de profondeur autant que de précisions, et bien souvent on aimerait des détails concrets où l'auteur ne propose que d'assez vagues allusions.

Quant à l'intrigue sentimentale, elle s'engage assez bien et a réussi à m'accrocher pendant deux bons tiers du récit. Sans enthousiasme débordant, mais avec une curiosité et même un plaisir indéniables, en accord avec mon goût pour les relations marquées par un mélange d'attirance et de répulsion, souvent les plus intéressantes en littérature. Cela jusqu'à ce que les malheurs s'accumulent un peu trop sur la tête de la pauvre Margaret - une emmerdeuse pareille, hein, il fallait bien la mater, mais autant sa version incisive, aussi agaçante soit-elle, m'amusait, autant sa version larmoyante devient franchement insipide, et guère moins agaçante. Au bout du cinquième décès, on est définitivement tombés dans ce que la littérature victorienne peut commettre de plus mièvre et mon intérêt pour l'affaire, lui, s'est définitivement envolé.

Il faut reconnaître que le contraste avec le Seigneur des Porcheries, lu juste avant, était un peu rude, mais même en remontant de quelques livres vers une comparaison plus juste, Elizabeth Gaskell n'a ni la vaste culture, ni la finesse psychologique, ni la puissance d'une George Eliot, et peine à donner la même valeur intemporelle aux préoccupations de ses personnages.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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