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Critique de candlemas


Merci Laurent Gaudé, pour ce roman d'actualité enlevé et construit.

Livre choral à mi-parcours entre les deux pans d'une méditerranée limes, frontière vague au sens latin, no man's land absurde, désert des Tartares liquide à la Dino Buzzati, ce récit est aussi un entre deux stylistique. Témoignage d'un drame contemporain essentiel, parfois oublié au profit de la crise Covid, alors que les bouleversements qui en résultent sur notre société-monde en sont peut-être plus grands.... près de 300 millions de personnes en errance... il offre aussi l'occasion d'une réflexion philosophique renouvelée sur la lutte, l'espérance, l'humanité active ; face à l'indifférence coupable et molle qui nous saisit, nous, sédentaires repus, face aux barbelés et au sens de vivre... ou survivre.

Au travers du destin de ses deux personnages principaux, Piracci et Soleiman, Laurent Gaudé parvient à situer son roman dans la longue tradition du conte méditerranéen, accents orientaux et italiens se mêlant en une tentative désespérée pour réduire la fracture de nos temps modernes. Les mots simples et beaux ne trahissent cependant pas le propos de l'auteur : dénoncer -dès 2006, 15 ans déjà, et cela dure...- le drame quotidien et insupportable d'inhumanité de corps jonchant nos plages européennes, tas de vêtements roulés par le sel et le malheur , rapidement enlevés pour ne pas polluer l'odeur rassurante des huiles solaires.

Bienveillant, sans trop en dire, Laurent Gaudé nous invite à suivre deux guides dans leur quête d'exister, se débattant dans la torpeur destructrice d'un monde contemporain où une vie se monnaye, parfois à moindre prix qu'un baril de mazout ... et laisse chacun découvrir... une lueur d'espoir là où on ne l'attendait pas forcément...

Merci au hasard des boîtes à livres aussi, qui m'a fait rencontrer ce livre à 30 mn de cette mer qui berce mes douleurs du moment, et dont l'impassibilité efface tout des hommes, souvenirs, drames et intentions manquées. Chaque jour du haut de mon village refuge je vois ces migrants -les vivants, les chanceux- passer d'Italie, le plus souvent se faire attraper, abandonner au bord du chemin valises creuses et vêtements épuisés. La plume de Laurent Gaudé imprime ainsi dans ma conscience ce que mes yeux seraient tentés d'ignorer.

Un beau livre, venu à point nommé me remettre sur le chemin de l'ouverture aux autres, exigeant, critique, parfois décourageant, trompant par son titre évocateur ma tentation d'oubli dans des pages de paillettes d'or et de fortune.

Au prochain passager d'Eldorado je souhaite à son tour de se laisser emporter par ces rouleaux de méditerranée brassant nos vies de fétus... le temps d'une confortable lecture... inaccessible à ces déracinés si proches, si dangereusement réels, que le roman nous rend soudain supportables.


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