Je pose derechef les doigts sur mon médaillon d’un air de défi. C’est un bijou de famille qui a jadis appartenu à mon arrière-arrière-grand-mère, Sarah. Enfant, j’ai passé de nombreuses heures à ouvrir et fermer le délicat fermoir en filigrane, et à me raconter des histoires sur les gens minuscules peints à l’intérieur : une jeune femme séduisante debout près d’un phare et un beau jeune homme, que l’on pense être un artiste victorien, George Emmerson, un parent très éloigné. Pour une fillette livrée à elle-même dans les pièces pleines de courants d’air de notre immense manoir, ces silhouettes offraient un aperçu attrayant d’une époque où je m’imaginais que tout le monde était heureux à jamais.
Je n’ai plus de larmes à verser. Je suis à bout de supplications et de protestations. Je ne ressens plus qu’une résignation maussade pour le destin, quel qu’il soit, qui m’attend de l’autre côté de l’Atlantique. Tout m’est égal à présent.