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Critique de michfred


Après la lecture de Lilas rouge de Reinhardt Kaiser-Mülheker, j'ai eu envie de lire un autre écrivain autrichien contemporain sur le même sujet: la guerre de l'Autriche, bon gré, mal gré aux côtés de l'Allemagne nazie.

J'avais été gênée, je l'ai dit, malgré la splendeur de la langue et l'ampleur lente et majestueuse de la fresque, par les ambiguïtés et les silences de Lilas rouge sur le passé nazi de l'Autriche et l'ellipse plus ou moins volontaire de cette faute originelle dans le roman.

Je connaissais Arno Geiger pour son magnifique livre, le vieux roi en son exil, où il évoque son père atteint de la maladie d'Alzheimer. Un livre qui m'avait beaucoup touchée et parlé, au moment où mon père lui aussi partait dans cet exil sans mots ni sens où nous peinions à l'atteindre.

Le grand pays des ombres ne m'a pas déçue.

C'est un livre magistral. Les personnages et narrateurs sont nombreux mais, par une habileté subtile du récit, ils se croisent tous, parfois sans le savoir -magnifique scène où le narrateur principal croise le regard sombre et désespéré d'un juif viennois épuisé par une marche de la mort et où seule une écharpe colorée à son cou signale au lecteur qui est ce déporté aux portes de la nuit et du brouillard...

Le chassé-croisé des personnages attache aussi le lecteur et lui donne à entendre plus d'un son de cloche...

Cette polyphonie donne au récit une vraie richesse de points de vue, depuis le jeune enrôlé dans les jeunesses hitlériennes, jusqu'au riche bourgeois juif qui perd son nom, sa femme, son fils et bientôt la vie dans une fuite où chaque étape le rapproche un peu plus de l'enfer final.

Mais le personnage le plus attachant est un soldat dont la blessure sur le front de l'est est l'occasion d'un congé et d'un recul salutaires, à tous les sens du mot. Son amitié pour un dissident pacifiste surnommé le Brésilien, son amour pour une jeune mère allemande dont il adopte littéralement l'enfant, refont de lui un homme avec des émotions, des désirs et des choix.

Avec une très grande humanité Arno Geiger nous conduit dans cette mosaïque d'individualités, de destins. Chacun a ses bassesses, ses tendresses, ses fragilités. Tous nous deviennent, au fil du récit, proches et chers. Et cependant une note finale nous apprend que tous ont eu une existence réelle.

Nous nous croyions dans le grand jeu du roman, nous étions dans celui de l'histoire.

Bref, j'ai tout aimé dans ce très grand et beau livre... Sauf un artifice de ponctuation qui m'a agacée et ennuyée et que je n'ai pas compris: des / à tout va entre des passages que rien ne désignait pourtant à ce dépeçage artificiel.

Mais je ne vais pas/ enlever une étoile /à ce livre/ pour autant !
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